Les deux Ouïgours que la Suisse va accueillir à titre humanitaire ont passé huit ans dans les cellules du sinistre camp de Guantanamo. Sans procès ni condamnation. Sans accusation sérieuse puisque l’innocence des deux frères s’est vite imposée comme une évidence à leurs bourreaux. L’histoire tragique de ces deux frères illustre à la perfection le caractère inacceptable de la justice d’exception américaine que la Suisse a eu toutes les raisons de critiquer à plusieurs reprises. Quand le Conseil fédéral a offert d’aider Barack Obama à fermer Guantanamo, il y avait certainement davantage qu’une décision cohérente avec des principes chers à la diplomatie helvétique. Les relations étaient alors tendues avec Washington en raison des activités illégales d’UBS aux Etats-Unis. Délivrer un signal positif à l’ami américain ne serait pas inutile.
Si, douze mois plus tard, le Conseil fédéral avait cédé aux tardives pressions chinoises et renoncé à son invitation, il aurait déçu Washington et aurait abandonné une bonne dose de crédibilité. Comment ensuite prôner le respect des droits humains et du droit international? Fâcher la Chine n’est pas une décision facile. Mais l’irritation de Pékin a été exagérée en Suisse par ceux-là même qui se montrent, habituellement, prompts à bomber le torse et à défendre la souveraineté helvétique. Il est réjouissant que le Conseil fédéral n’ait pas cédé. Trop de réticences ont toutefois été étalées pour que l’on puisse croire à un geste généreux et sincère. L’accueil des deux Ouïgours est le résultat d’un froid calcul politique. Il n’en est pas moins courageux.