Concurrence
La loi sur les marchés publics doit être intégralement révisée. Plusieurs associations se mobilisent pour que d’autres critères que les prix soient pris en considération

Jusqu’à quel point le prix doit-il être le critère déterminant pour l’adjudication d’un marché public? Cette question sera au cœur des débats du Conseil national le 13 juin. Ce jour-là, la Chambre du peuple est appelée à réviser intégralement les règles qui déterminent les offres publiques. En Suisse, une association de PME ainsi que les institutions sociales se rebellent déjà contre ce qu’elles considèrent comme une porte ouverte au dumping pratiqué par des concurrents étrangers.
La révision de la loi sur les marchés publics (LMP) vise à harmoniser le droit suisse fédéral et cantonal avec les règles de l’OMC. Une soumission publique est exigée pour les fournitures et les services à partir d’un montant de 230 000 francs sur le plan fédéral et de 250 000 francs à l’échelon cantonal. Pour les travaux de construction, les seuils sont de, respectivement, 2 millions de francs pour la Confédération et de 250 000 francs pour les chantiers cantonaux du second œuvre et de 500 000 francs pour le gros œuvre. Le volume des affaires soumises aux règles de concurrence s’élève à 42 milliards de francs, dont près de 6 milliards pour l’administration fédérale. Les enjeux sont donc importants.
«On ne parle que du prix»
La nouvelle loi établit une liste de critères dictant le choix du soumissionnaire. Il y a bien sûr le prix et la qualité de la prestation, mais aussi les délais, la valeur technique, la rentabilité, l’esthétique, le développement durable, la fiabilité du prix, la créativité, le service après-vente, les conditions de livraison, le caractère innovant, etc. Voilà pour la théorie. Dans la pratique, c’est une autre affaire, si l’on en croit les appels lancés l’an dernier par Insertion Suisse et mardi par une association de PME qui se fait connaître sous le nom de «FairPlay marchés publics». «On ne parle que du prix et de jamais rien d’autre», s’emporte la conseillère nationale Sylvia Flückiger-Bäni (UDC/AG), qui codirige une entreprise familiale de traitement du bois et siège au comité de l’Union suisse des arts et métiers (USAM).
Parce qu’elles doivent utiliser l’argent des contribuables avec parcimonie, les collectivités publiques accordent en effet une grande importance aux prix. Sylvia Flückiger déplore que certains travaux tels que l’achat de fenêtres pour le Palais fédéral ou d’éléments de construction pour un tunnel ou un bâtiment des CFF aient été confiés à des entreprises tchèques, chinoises, roumaines ou polonaises. «Cela ne peut plus durer. Nous avons en Suisse d’excellentes PME qui exécuteraient volontiers ces travaux», s’étrangle-t-elle.
Elle se bat pour que le Conseil national fasse une fleur aux PME suisses dans la LMP révisée. Elle demande d’introduire un facteur de correction qui tiendrait compte des différences de niveau de prix d’un pays à l’autre, variations de taux de change comprises. Cette proposition n’a pas trouvé grâce devant la commission préparatoire du Conseil national. Sylvia Flückiger tentera de sensibiliser le Conseil national le 13 juin. Elle s’appuie sur les témoignages de plusieurs petits patrons confrontés à une concurrence étrangère très vive.
La révolte des institutions d’insertion
Parmi eux, Manuel Meili, constructeur de véhicules d’entretien communaux dans le canton de Schwytz. Cette entreprise de 40 collaborateurs dépend presque à 100% des marchés publics. Or, les concurrents étrangers font des offres à des tarifs bien plus bas. Pour abaisser ses coûts, il peut acheter les pièces de ses véhicules à l’étranger plutôt qu’en Suisse ou engager du personnel polonais ou roumain. «Et c’est alors moi qui mets mon fournisseur suisse et les collaborateurs suisses en danger», se désole-t-il. Le serpent se mord la queue. La règle proposée est-elle conforme aux règles commerciales européennes et mondiales? L’association de PME a consulté un professeur de droit à ce sujet. Celui-ci l’estime «possible», mais ne peut exclure qu’un tribunal la juge discriminatoire pour les soumissionnaires étrangers.
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De son côté, Insertion Suisse a demandé que les institutions qui s’occupent de l’insertion socioprofessionnelle des personnes peinant à trouver un emploi soient exclues des règles des marchés publics. Cette revendication a échoué d’une toute petite voix en commission préparatoire. Elle tentera à nouveau sa chance au Conseil national le 13 juin.