Objectifs atteints! C’est un Secrétariat d’État aux migrations (SEM) triomphant qui s’est présenté lundi à la presse, épaulé par une petite brochette d’experts. Le centre-pilote fédéral de Zurich, celui qui teste les procédures d’asile accélérées avant que la réforme n’entre en vigueur, a donné de bons résultats. La durée des procédures a pu être réduite de 39% et le taux de recours a baissé d’un tiers, concluent les experts mandatés par le SEM. Malgré les «avocats gratuits» tant décriés par l’UDC. Et tout ceci «sans que la qualité des décisions en ait souffert». Avec à la clé des économies de 110 millions de francs par an.

Fait peu habituel, le PLR, le PDC, le PBD, les Verts libéraux, le Parti évangélique, le PS et les Verts se sont rapidement fendus d’un communiqué commun pour saluer le fait que les procédures seront désormais traitées «plus rapidement et de manière équitable». Et d’inciter de voter en faveur de la réforme sur laquelle le peuple devra se prononcer le 5 juin. L’UDC préfère de son côté dénoncer un «pur instrument de propagande sans utilité face à la situation actuelle».

Ce centre-pilote fédéral fonctionne depuis début janvier 2014. Il s’inscrit dans le cadre de la grande réforme lancée par la ministre de Justice et police Simonetta Sommaruga, qui veut que 60% des dossiers soient désormais traités dans des centres de la Confédération. Le tout en moins de 100 jours, ou 140 pour les «cas Dublin» susceptibles d’être renvoyés vers le premier pays européen par lequel ils sont passés. L’évaluation a été confiée à quatre organismes externes. Elle porte sur la période du 1er janvier 2014 au 31 août 2015. Ce sont très exactement 2606 dossiers qui ont été traités. 1632 (environ 63%) ont pu être bouclés jusqu’à fin août 2015. Les requérants affectés au centre de Zurich l’ont été de manière aléatoire. Des personnes «vulnérables» sont également concernées, dont des mineurs non accompagnés. 6% des demandes d’asile enregistrées en Suisse ont été attribuées à ce centre depuis décembre 2014.

Les procédures accélérées ont abouti à des décisions exécutoires en 59 jours en moyenne, «cas Dublin» compris. Soit très exactement 39% de moins (-77 jours) que la pratique actuelle, un chiffre encourageant. Même résultat positif pour les recours: l’assistance juridique gratuite, à disposition très rapidement, permet de mieux conseiller et encadrer le requérant, et de cibler les recours. Le requérant est mieux préparé, y compris à recevoir une décision négative. Le taux de recours dans le centre de Zurich est de 17,1%, soit très exactement 33% de moins par rapport à la pratique actuelle. Qualitativement, les décisions prises sont bonnes, a insisté le professeur de droit Walter Kälin. C’est notamment dû au fait que les différents acteurs qui prennent part à la procédure, dont les représentants juridiques, sont regroupés ensemble, dans le même centre. Et que la protection juridique intervient très tôt.

Sur le plan financier, la Confédération compte à terme sur des économies d’environ 110 millions de francs par an. Les nouveaux centres fédéraux devraient coûter 548 millions, et les frais supplémentaires liés au nouveau système pourraient provoquer des coûts de l’ordre de 123 millions. Mais les économies faites avec les indemnités forfaitaires versées aux cantons sont estimées à 233 millions par an. «Les frais d’investissement liés aux nouveaux centres devraient être amortis en 8,5 ans», a commenté Romain Jeannottat, sous-directeur du SEM. Autre fait positif: les réfugiés reconnus ainsi que les personnes admises à titre provisoire obtiennent leur statut plus rapidement, ce qui leur permet de s’intégrer plus vite sur le marché du travail. Et de réduire les frais en aide sociale.

Dernier point, les déboutés ont été plus nombreux et plus rapides à quitter la Suisse à partir du centre-pilote. Reste à savoir combien quittent vraiment la Suisse, ou préfèrent venir grossir les rangs de ceux qui plongent dans la clandestinité. La proportion de ceux qui quittent volontairement la Suisse en bénéficiant d’une aide au retour est trois fois plus élevée (6%) que dans les centres actuels, préfère mettre en avant le SEM. Des chiffres qui seront au cœur du débat pendant la campagne en vue du 5 juin.


Risqué mais nécessaire

L’UDC a du souci à se faire. Pour le parti, les «avocats gratuits», mis en place pour garantir des décisions «équitables», conformes aux principes de l’Etat de droit, sont une plaie. Ils sont une plaie car ils sont censés contrebalancer l’accélération des procédures d’asile. Et pour l’UDC, le calcul est vite fait: mettre des avocats gratuits à disposition des requérants va augmenter le nombre de recours, et donc prolonger la durée de traitement des dossiers. Sauf que c’est faux. L’évaluation des tests effectués à Zurich le prouve: non seulement les procédures sont sensiblement accélérées, mais le taux de recours a baissé d’un tiers. Les démocrates du centre, qui tablaient sur ces «avocats gratuits» pour faire couler la réforme de Simonetta Sommaruga le 5 juin, vont avoir de la peine à convaincre avec ces chiffres qui tombent comme un couperet.

Dans un communiqué qui transpire la mauvaise foi, l’UDC préfère accuser Berne de propagande et d’instrumentalisation. D’avoir «tout organisé de A à Z, pour fournir les résultats souhaités d’avance et offrir des arguments superficiels en vue de la votation du 5 juin». Mais elle a au moins raison sur un point. Le scénario fédéral s’est basé sur une estimation de 24 000 demandes d’asile, or la Suisse en a enregistré près de 40 000 l’an dernier. Un chiffre qui a de fortes chances de prendre l’ascenseur en 2016. Un plan d’urgence est d’ailleurs à l’étude. Il prévoit qu’en cas de situation extrême, les requérants puissent être affectés plus rapidement aux cantons. Ce qui ne va pas vraiment dans le sens de la réforme de la ministre de Justice et police. Le SEM va devoir rivaliser d’ingéniosité pour s’imposer, dans un contexte qui pourrait lui être défavorable. Mais dire non à la réforme ne ferait que scléroser le système en empêchant un traitement plus rapide des dossiers, que l’UDC est d’ailleurs la première à demander. Sans rien résoudre. Le choix devrait donc être vite fait.