Sans grande surprise, la Cour des affaires pénales n’est pas revenue sur sa décision de saucissonner le procès d’Alieu Kosiah et de mener l’interrogatoire du prévenu en l’absence des victimes, bloquées au Liberia en raison des contraintes liées à la pandémie. La demande de report, émanant des conseils des parties plaignantes, a été écartée, reléguant ainsi le principe d’immédiateté des débats à un lointain souvenir. En guise de consolation, les propos de cet ancien commandant d’une faction rebelle, poursuivi pour crimes de guerre, seront enregistrés. La vidéo pourra être vue uniquement dans les locaux du tribunal et dans les études des avocats.

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D’autres questions préjudicielles ont subi le même sort. La demande des plaignants d’étendre la qualification des faits à des crimes contre l’humanité n’a pas convaincu. Aux yeux de la cour, notamment, l’accusation n’établit pas que les actes commis s’inscriraient dans le cadre d’une «attaque systématique et généralisée» contre la population du Liberia.

Le tribunal a enfin refusé d’éjecter Me Alain Werner de la procédure en raison de sa casquette de président de l’association Civitas Maxima, très active dans la lutte contre l’impunité au Liberia. Le défenseur du prévenu, Me Dimitri Gianoli, dénonçait un conflit d’intérêts. La cour, présidée par Jean-Luc Bacher, a estimé que cette fonction au sein de l’ONG est conforme à la loi sur la profession d’avocat et ne met pas en cause son indépendance.

Programme flou

Le procès d’Alieu Kosiah démarre donc bel et bien. Il sera interrompu le 11 décembre, sans que l’on sache encore quand et comment les débats pourront reprendre pour l’audition des sept plaignants et autant de témoins. L’organisation d’un voyage en Suisse ou d’une audition par vidéoconférence dans un lieu sécurisé, telle une ambassade dans un pays voisin, se heurte, pour le moment, à des difficultés logistiques et diplomatiques majeures.

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Détenu depuis novembre 2014, le prévenu, âgé aujourd’hui de 45 ans, affronte des accusations gravissimes et conteste l’intégralité des faits qui lui sont reprochés. En sa qualité de commandant d’un groupe armé de l’Ulimo (Mouvement uni de libération du Liberia pour la démocratie), il aurait enrôlé un enfant soldat, traité cruellement des civils, ordonné pillages et transports forcés, violé une villageoise, tué ou fait tuer 18 personnes et mangé le cœur d’un enseignant de l’Eglise pentecôtiste.

A la fin de cette guerre civile particulièrement meurtrière, le jeune Alieu Kosiah a travaillé brièvement au sein des forces de police du Liberia. Une fois le pouvoir conquis par Charles Taylor, lui-même condamné pour des atrocités commises en Sierra Leone, il est venu se réfugier en 1998 dans le canton de Vaud tout en invoquant son grade militaire pour tenter d’obtenir l’asile. Sans succès. Un mariage, de 2004 à 2011, lui permettra de bénéficier d’un permis et de couler des jours tranquilles avant d’être repéré par l’organisation Civitas Maxima.

(Avec l’ATS)