L’homme chargé d’analyser le sauvetage de Credit Suisse par la ministre des Finances, Karin Keller-Sutter, n’est autre qu’un professeur de l’Université de Saint-Gall: Manuel Ammann. La pertinence de sa nomination interroge. Bien que renommé dans son domaine, Manuel Ammann occupe également la fonction de directeur académique du HSG Center for Financial Services Innovation. Et cet institut, comme le révèle la Wochenzeitung, est sponsorisé à hauteur de dix millions de francs par Credit Suisse.

Le Département des finances déclare dans La Tribune de Genève ne pas douter des capacités du professeur à faire preuve d’impartialité. «Le professeur Manuel Ammann se distingue par sa grande expertise et sa connaissance de la place financière suisse. Sa mission scientifique n’est pas remise en question par le financement de l’institut.» Le département de Karin Keller-Sutter ajoute que «cette expertise ne serait qu’une partie d’une évaluation globale» – dont les détails ne sont pas communiqués. Manuel Ammann précise néanmoins «qu’il ne s’agit pas de faire la lumière sur les événements ou d’évaluer Credit Suisse, mais de se pencher sur des questions d’avenir dans la perspective d’une réglementation efficace pour la Suisse».

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La conseillère nationale zurichoise Céline Widmer (PS) préconise l’intermédiaire d’une commission d’enquête parlementaire (ou CEP) pour faire le point sur ce qu’il s’est passé. Le Conseil fédéral pourrait lui aussi commander ses propres analyses, mais dans ce cas, avec «des exigences […] plus élevées en matière d’indépendance de la personne chargée de l’enquête», dit-elle. Le chef du groupe UDC, Thomas Aeschi, partage le même avis. «Le Conseil fédéral n’est pas le bon organe pour ordonner une telle enquête […] Ce serait l’affaire d’une CEP. Ce serait à elle de décider si elle veut commander de telles analyses, et si oui, à qui.»

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Le conseiller national fribourgeois Gerhard Andrey (Vert-e-s) les rejoint: «Pour faire la lumière sur le récent scandale de CS, il faut une enquête particulièrement indépendante et digne de confiance.» Le PLR - parti de Karin Keller-Sutter – n’a pas souhaité s’exprimer sur le sujet. Le président du Centre, Gerhard Pfister, s’interroge lui aussi sur la pertinence d’une «enquête menée par un institut financé par le CS.» En revanche, note La Tribune de Genève, il pense que c’est au professeur Manuel Ammann de statuer s’il s’estime suffisamment crédible pour effectuer cette analyse.

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