Les Genevois ne sont pas près d’aller se baigner sur une nouvelle plage aux Eaux-Vives. Voté par un Grand Conseil unanime en 2009, ce projet à 61 millions de francs, incluant aussi une extension du port de la Nautique, vient de trébucher en justice. Après deux ans et demi d’instruction, le Tribunal administratif vient d’annuler les autorisations de construire délivrées en 2010. L’arrêt rendu public mardi peut toutefois être porté devant une instance supérieure.
Trois recours avaient été déposés. Un particulier a fini par retirer son opposition en 2011. Le tribunal a jugé irrecevable le recours de l’Association des intérêts des Eaux-Vives mais a en revanche donné raison au WWF, en tout cas sur les arguments centraux de son opposition.
Certains motifs formels brandis par le WWF sont sèchement rejetés, relevant selon le tribunal d’un «formalisme» «aux limites de la bonne foi». Mais l’organisation environnementale l’emporte sur les questions de fond. Pour le tribunal, l’impact du projet «sur l’écosystème lacustre est majeur». Le parc qui devait border la future plage et faire le lien entre l’extension portuaire projetée et le rivage actuel implique en effet un remblaiement conséquent pris sur la surface lacustre. La perte pour la zone littorale remblayée et celle qui est remaniée se chiffre à 10,82 hectares, soit «6,3% de la grande rade», relèvent les juges. L’entreprise ne peut donc pas se contenter d’une simple dérogation aux dispositions sur l’aménagement du territoire. Pour le tribunal, il impliquait des mesures de planification plus poussées, voire une révision du plan directeur cantonal.
En outre, la législation interdit de déverser des substances solides dans les eaux naturelles, sauf exception. Pour le tribunal, «la question des remblais n’a, dès l’origine, pas été envisagée comme un obstacle potentiel au projet, mais comme un moyen de le réaliser» et l’Etat n’a pas démontré qu’il était impossible de procéder autrement. La prééminence des aspects positifs du projet sur ses impacts négatifs n’est pas plus démontrée, aux yeux de la justice.
Pourquoi pas une lagune?
Victorieux, le WWF rappelle qu’il ne s’oppose pas à un projet de plage et qu’il a présenté une contre-proposition sous la forme d’une lagune qui impliquerait une emprise moindre sur les fonds lacustres. L’Etat, lui, veut étudier l’arrêt judiciaire et mettre au point une stratégie avant de se prononcer sur un éventuel appel. Quoi qu’il en soit, le projet, «dont l’inauguration était initialement prévue pour l’été 2013, souffrira d’un retard supplémentaire», écrit le Département genevois de l’intérieur.
Sur le plan politique, l’affaire est particulière puisqu’elle met aux prises plusieurs membres du parti écologiste. La section genevoise du WWF est présidée par une ancienne députée verte, Sylvia Leuenberger, alors que le projet a été porté par l’ancien conseiller d’Etat vert Robert Cramer puis par la camarade de parti qui lui a succédé, Michèle Künzler. Le haut fonctionnaire qui l’a supervisé est par ailleurs un élu municipal de la même formation.