Concrètement, seuls les nouveaux propriétaires de chiens dépassant 40 cm au garrot seraient astreints à passer un permis, soumis à des cours théoriques suivis d'un examen lui aussi théorique avant de pouvoir acheter le chien, puis un délai de six mois pour passer, avec le chien, un examen pratique. Le permis ne serait en principe pas rétroactif sauf dans certains cas: pour les animaux ayant fait l'objet d'une dénonciation ou preuve d'agressivité et pour ceux qui vivent dans des conditions jugées inacceptables par les professionnels.
Selon Nathalie Frizzi, pas loin de la moitié du cheptel actuel pourrait en réalité être concernée: «Il faut savoir qu'un chien, on doit s'en occuper au minimum trois heures par jour, si on compte les sorties, les jeux, l'éducation.» Paola Bernasconi explique que les cours théoriques auraient précisément pour but de faire réfléchir le futur propriétaire, lui rappeler par exemple «qu'un chien n'est pas un simple substitut affectif».
Selon les initiateurs, l'inconvénient majeur de la nouvelle loi est de «rendre agressifs des chiens qui ne l'étaient pas forcément. Un chien avec une muselière a l'air méchant, personne ne s'approche, il se repliera sur lui-même, perdra toute sociabilité et deviendra potentiellement dangereux.» C'est en tout cas ce qu'explique Thierry Giroud, qui raconte avoir été propriétaire de chiens de toute race «du caniche au doberman.» Selon le comité, toujours, «la plupart des agressions contre les enfants ne sont pas le fait de molosses mais des chiens de famille, des chiens que les enfants connaissaient bien.»
Le député Jean-Yves Gabbud, qui faisait partie de la commission ad hoc ayant planché sur la nouvelle législation, n'est pas convaincu: «Avec ce permis, on va embêter toute la république et infantiliser les propriétaires de chiens. Dans les faits, on arriverait à une situation absurde: un propriétaire actuel de pitbull n'aurait pas besoin de passer un permis tandis que celui qui voudrait acquérir un saint-bernard pataud devrait, lui, le passer. Et ce permis représente un véritable droit de vie ou de mort sur le chien.» Après deux échecs à l'examen pratique, le droit de posséder le chien présenté serait en effet retiré à son propriétaire. Précisons encore que la procédure devrait se répéter pour chaque nouveau chien puisque le permis est délivré à l'animal et non au propriétaire.
Les adversaires de la muselière n'en démordent pas pour autant et parlent de «délit de sale gueule canine», restant persuadés, comme Nathalie Frizzi, que «les fonctionnaires du département de Thomas Burgener qui ont concocté cette loi l'ont fait sans avoir jamais vu un chien autrement qu'en photo».
Le conseiller d'Etat rétorque que «le premier projet du gouvernement allait également dans le sens de l'éducation des propriétaires de chiens» et reconnaît que «le parlement a légiféré sous le coup de l'émotion provoquée par divers accidents ayant eu lieu dans le canton.» Pour autant, Thomas Burgener refuse d'aboyer avec la meute et rappelle que «le devoir du gouvernement est de protéger la population contre les chiens agressifs et non de protéger les molosses contre les hommes politiques». Et se dit encore choqué par une phrase du porte-parole des initiants, Jean-Charles Kollros, prononcée lors d'un débat à propos des fameuse douze races de chiens condamnés à la muselière: «Il y avait la liste Schindler, il y aura désormais la liste Burgener.»
Reste que la «loi-muselière» pose des problèmes d'application évidents qu'illustrent ces deux pitbulls croisés hier après-midi sur l'avenue de la Gare à Sion, certes tenus en laisse par leurs propriétaires, au poil également ras, mais portant leur muselière… autour du cou.