La protection civile n’est pas épargnée par les couacs
Mobilisation
Le déploiement de la protection civile est aussi inédit que la pandémie à laquelle nous faisons face. Et cette mobilisation exceptionnelle ne se déroule pas sans quelques accrocs

Ils sont des milliers à pied d’œuvre à travers tout le pays. Mobilisés pour apporter leur aide dans la lutte contre le coronavirus, dans des EMS, à l’accueil des hôpitaux, pour assurer le transport de patients qui ne sont pas trop durement touchés, ou encore pour livrer des commissions au domicile des personnes à risques. Cette fois, ce n’est pas un cours de répétition pour les astreints de la protection civile (PCi). C’est la réalité. Et cette mobilisation exceptionnelle ne se déroule pas sans quelques accrocs.
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Depuis le début de la crise, Mathieu* disait de manière humoristique à ses amis que si la PCi était mobilisée, ce serait la gabegie. «Cette blague est devenue réalité», déplore-t-il aujourd’hui, après plusieurs jours sur le terrain. Mobilisé pour venir en soutien au personnel d’un EMS vaudois, il s’est senti presque inutile, tant le nombre d’astreints était important pour les tâches à réaliser, et raconte n’avoir reçu aucune formation si ce n’est une explication d’une trentaine de secondes sur la manière de se laver les mains. Comment mettre et enlever son masque en toute sécurité? C’est un médecin qui lui distillera ses conseils quelques jours après son entrée en service.
«Nous ne sommes pas formés pour ce genre de situation»
«C’est contraire à toutes les mesures édictées par les autorités. Nous étions au contact de personnes infectées par le Covid-19 et nous ne savions pas comment réagir. Nous ne sommes pas formés pour ce genre de situation. Je suis persuadé que nous avons fait des erreurs et que, dès lors, nous sommes devenus des vecteurs de transmission du virus», souligne-t-il.
En ce qui concerne cet aspect, Denis Froidevaux, le chef de l’Etat-major cantonal vaudois de conduite, assure appliquer «de manière stricte les recommandations de l’OFSP pour toute activité sans lien avec le système de santé». Et précise qu’en ce qui concerne «les actions au profit du système de santé, ce sont les établissements dans lesquels nous déployons du personnel qui définissent les règles à appliquer sur la base des recommandations de la Direction générale de la santé. Les établissements de santé sont tenus d’instruire et d’équiper le personnel de la protection civile qui leur est attribué.»
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Des couacs un peu partout
Les couacs, tels que décrits par Mathieu, ne sont pas spécifiques à une région ou un canton. Selon nos informations, quelques accrocs ont également été constatés en Valais. La semaine dernière, nos confrères de la Tribune de Genève ont mis en lumière quelques dysfonctionnements au bout du lac, entre défaillance de planification et mesures d’hygiène et de distanciation sociale pas toujours respectées, à l’image des déplacements qui «se faisaient dans des fourgons à six personnes» ou des repas où «nous devions être en principe un par table de six. Mais personne ne respectait cela. Personne, non plus, ne veillait à faire respecter cette consigne.»
Le déploiement de la protection civile est à la hauteur de la lutte menée actuellement pour faire face au coronavirus. Cette situation est inédite. «Cela demande un affinage constant, répond Denis Froidevaux. Tout déploiement en situation d’urgence comporte une phase de mobilisation et de mise en route, qu’il s’agit d’appréhender avec calme et méthode, et aussi certains temps morts et des phases d’attente.»
«Il est prématuré de tirer des conclusions»
Il n’en demeure pas moins que, comme l’armée, les organisations de protection civile réalisent chaque année des cours de répétition pour être prêtes le moment venu. Alors, ce système n’est-il pas optimal ou est-ce que ce sont, comme on a pu nous le sous-entendre, certains gradés qui ne sont pas à la hauteur? «Il est prématuré de tirer des conclusions et nous n’en sommes pas encore au stade du bilan puisque nous sommes toujours en train de monter en puissance», rétorque Denis Froidevaux.
Le chef de l’Etat-major cantonal vaudois de conduite est persuadé que le système de milice de la protection civile est «une force qui permet d’apporter une réponse souple et coordonnée. Sans une protection civile de milice, nous aurions été dans l’incapacité d’apporter les prestations que nous fournissons actuellement au profit du système de santé du canton. Nous n’aurions disposé ni des effectifs ni de la capacité pour conduire un tel déploiement de forces.»
*prénom d’emprunt