C’est une rupture. Le chemin du Parti socialiste suisse se sépare de celui de l’Internationale socialiste. Avec plusieurs autres partis sociaux-démocrates européens, et à l’initiative du SPD allemand, le PS va porter sur les fonts baptismaux, la semaine prochaine à Leipzig, «l’Alliance progressiste» (Progressive Alliance). Une nouvelle organisation qui, pour ses fondateurs, devra désormais jouer le rôle que l’Internationale socialiste, décrédibilisée, n’arrive plus à jouer.

L’événement aura lieu lors de la célébration, jeudi 23 mai, des 150 ans du Parti social-démocrate allemand (SPD) dans la ville qui avait vu naître, en 1863, l’Allgemeine Deutsche Arbeiterverein. François Hollande sera l’invité d’honneur. Le PS suisse sera représenté par l’une de ses deux cosecrétaires générales, Leyla Gül, et par le conseiller national Cédric Wermuth. Le président du parti, Christian Levrat, ne pourra s’y rendre en raison de son emploi du temps.

Aux yeux des promoteurs de l’Alliance progressiste, l’Internationale socialiste (IS) a progressivement perdu sa pertinence politique. Pour le président du SPD, Sigmar Gabriel, l’IS s’est discréditée, expliquait-il dans Le Monde la semaine dernière, en tolérant «beaucoup trop longtemps» dans ses rangs, sur fond de lutte anticolonialiste, des personnages ou des mouvements comme le Nicaraguayen Daniel Ortega, l’Angolais José Eduardo dos Santos, l’Ivoirien Laurent Gbagbo, ou les partis d’Hosni Moubarak et de Zine el-Abidine Ben Ali.

«Dans l’ensemble, le PS suisse partage ces reproches», explique Leyla Gül. Entre l’IS et les socialistes suisses, le torchon brûle aussi depuis quelque temps. Dans une lettre adressée à l’Internationale socialiste le 29 octobre 2012, le PS rappelait qu’il avait déjà demandé que des mesures concrètes soient prises contre des membres ne respectant pas les droits de l’homme. Il exigeait aussi le respect des procédures démocratiques internes et la transparence financière. Considérant que les efforts demandés n’avaient pas été faits, le PS indiquait qu’il réduisait sa contribution pour 2013 de 10 000 à 1000 livres – l’IS étant basée à Londres. Le SPD en a fait de même en ramenant sa subvention de 100 000 à 5000 livres.

«Il n’y a pas d’ordre du jour pour les séances, pas d’information suffisante sur les candidatures, les nouveaux membres ou l’exclusion de certains d’entre eux», critique Leyla Gül. Si, selon elle, l’IS reste une plateforme d’échange au sein de la grande famille socialiste et sociale-démocrate dont l’utilité ne doit pas être sous-estimée, «son influence et son efficacité sont faibles et ses structures figées». Conséquence: «L’Internationale socialiste est de plus en plus insignifiante dans la politique internationale.»

L’Alliance progressiste, explique Leyla Gül, se donne pour but de «fédérer et renforcer la coopération des forces progressistes au niveau international sur des thèmes tels que la justice sociale, la régulation des marchés, le développement et la lutte contre la pauvreté.» Quant à la contribution financière du PS, «la présidence du parti en décidera dans le courant de cette année».

Ni le PS ni le SPD n’envisagent pourtant de quitter purement et simplement l’IS. «C’est une organisation qui a derrière elle une longue histoire et une grande tradition, admet Leyla Gül. Les échanges entre les membres restent importants. Une sortie ne se décide pas à la légère. Avec nos critiques et la création d’une nouvelle organisation, nous espérons aussi faire pression sur l’Internationale socialiste pour qu’elle évolue dans un sens favorable.»

«L’Internationale socialiste est de plus en plus insignifiante dans la politique internationale»