Qu'apportera le benjamin Jean-Michel Cina à ses collègues du Conseil d'Etat valaisan?
VALAIS
Programmé pour être conseiller d'Etat, le Haut-Valaisan rejoint, en compagnie des sortants Claude Roch et Thomas Burgener, les deux élus du week-end, Jean-Jacques Rey-Bellet et Jean-René Fournier. Il pourrait reprendre le Département des finances.
Dix-sept heures tapantes, hier soir: par le coup de baguette magique d'une élection tacite, la première de l'histoire en Valais, le radical Claude Roch et le socialiste Thomas Burgener se voyaient réélus au Conseil d'Etat, tandis que le conseiller national PDC Jean-Michel Cina faisait sa première entrée au gouvernement.
Le mouvement citoyen de Michel Carron et l'UDC avaient en effet annoncé ne pas vouloir, ou ne pas pouvoir, affronter un deuxième tour. La composition du nouveau gouvernement valaisan – Fournier, Rey-Bellet, Roch, Burgener et Cina – était quasiment connue depuis plusieurs mois et ne présente donc qu'un seul changement: Jean-Michel Cina, le gendre idéal de Salquenen, remplace le Machiavel de Steg, Wilhelm Schnyder. «Il est tellement fait pour le job, tellement familier de la politique cantonale, note un observateur, que, pendant la campagne, on aurait dit un conseiller d'Etat sortant.»
Tout le monde ne partage pas cet enthousiasme, notamment parmi ceux qui l'ont vu à l'œuvre ou même affronté dans les débats de ces dernières semaines: «Pour un conseiller national, il a fait preuve d'un sérieux manque de connaissance des grands dossiers qui intéressent le Valais, et se contentait souvent de réponses très vagues», assure l'un d'eux.
Jean-Michel Cina, pas encore 42 ans, est en tout cas tombé très tôt dans le chaudron politique. Et le plus étonnant aurait été qu'il ne soit pas, un jour ou l'autre, conseiller d'Etat: «Cela fait vingt ans qu'il se prépare à ça! C'est une programmation quasi génétique», ironisait récemment Cilette Cretton, la candidate radicale malheureuse de 2001.
Qu'on en juge: A 29 ans, il se fait élire président de la commune de Salquenen, puis, dans la foulée, député suppléant au Grand Conseil, puis député en 1997, conseiller national en 1999 et chef du groupe PDC aux Chambre en 2002. Jean-Michel Cina le dit lui-même: «La politique est ma passion quotidienne», et va même plus loin dans le journal local haut-valaisan RZ, où l'on apprend que son hobby est également «la politique». Ce qui ne l'empêche pas, dans son curriculum officiel de membre du PDC, de faire figurer cette maxime: «Jamais de politique que pour la politique!»
On lui connaît tout de même, si ce n'est une autre passion, une pratique, le football, et son poste de prédilection à ce jeu: libéro. Ce qui explique peut-être, à lire ou entendre ses interviews ou déclarations rarement spectaculaires, cet art consommé de dégager en touche, qui est un peu sa marque de fabrique.
Jean-Michel Cina a tout pour plaire: jeune, avenant, enthousiaste et sachant faire savoir qu'il l'est. Son site personnel égrène les citations élogieuses des médias: «passionné, ambitieux» pour L'Hebdo, «fin renard de la politique» selon Le Matin, «convivial, compétent et dynamique» d'après Le Temps.
En Valais cependant, toutes ces qualités peinent à être reconnues, en raison d'un handicap qui a le don de provoquer sa fureur: comme natif de Salquenen, sur la Raspille, ce filet d'eau séparant les deux parties linguistiques du canton, il n'est pas considéré comme un des leurs par les Romands, et est suspecté par les autres de n'être pas un vrai Haut-valaisan.
La gauche haut-valaisanne en a fait d'ailleurs sa bête noire, avec des attaques régulières dans l'organe Rote Anneliese, à propos notamment de certaines sociétés où il siège comme membre du Conseil d'administration et inscrites dans des paradis fiscaux du genre Iles Caïmans. Au début, Jean-Michel Cina répondait qu'il ne fallait pas confondre «évasion et optimisation fiscale». Aujourd'hui, il ne répond plus. Interrogé, une fois de plus, pour le dernier numéro de la Rote Anneliese sur les sociétés «Chapitre des domaines» et «FEI Capital Partners AG», le futur conseiller d'Etat a fait savoir, par e-mail, aux camarades plumitifs que «la forme tendancieuse» de leurs questions lui faisait douter de leur «indépendance» et de leur «objectivité journalistique», et qu'il refusait d'y donner suite.
La prochaine question à laquelle Jean-Michel Cina devra répondre sera celle de la répartition des Départements. Le scénario le plus probable est qu'il reprenne simplement le Département des finances de Wilhelm Schnyder. Ou qu'une rocade soit effectuée avec un Jean-René Fournier qui lui laisserait Economie et Institutions, et parachèverait sa carrière cantonale comme grand argentier. Ou encore que Claude Roch parvienne à refiler l'Education au petit nouveau et à s'emparer des cordons de la bourse ou de l'Economie.