Ces ténors qui ont fait la petite musique des Chambres

Successions Trente-six députés fédéraux ne sollicitent pas de nouveau mandat

Quatre ont été candidats au Conseil fédéral. Les deux leaders qui ont piloté le PDC pendant dix ans s’en vont également

Qu’ont en commun Stéphane Rossini, Urs Schwaller, Jacqueline Fehr et Christine Egerszegi? Tous quatre quittent le parlement fédéral cet automne et, fait peu banal, tous ont été un jour candidats au Conseil fédéral. Des 36 parlementaires qui ont décidé de ne pas solliciter de nouveau mandat, un autre nom peut être ajouté à cette «bande des quatre»: Christophe Darbellay. Certes, le Valaisan n’a jamais déposé sa candidature pour le gouvernement fédéral jusqu’à maintenant, mais, des déclarations qu’il a faites ces derniers temps, on ne peut exclure qu’il le fasse un jour, même s’il dit accorder désormais sa priorité au Conseil d’Etat valaisan en 2017.

La législature qui s’achève voit ainsi plusieurs poids lourds tourner le dos à la politique nationale. C’est, pour le PDC en particulier, un changement d’époque: le président national, en place depuis 2006, ainsi que celui qui dirigea le groupe parlementaire de 2005 à 2014, le Fribourgeois Urs Schwaller, quittent Berne cet automne. La succession du Valaisan à la présidence sera, l’an prochain, un enjeu majeur pour l’avenir du parti.

Christophe Darbellay et Urs Schwaller laissent l’image de parlementaires actifs et écoutés. Certaines de leurs interventions font date, comme celle du Valaisan sur l’obligation de servir des vins suisses dans les ambassades ou celle du Fribourgeois sur la tactique de vote de l’initiative en faveur d’une caisse maladie publique.

Ce n’est pas un hasard si le bilingue Urs Schwaller a été désigné par le PDC lorsque celui-ci a tenté de reconquérir le siège perdu au Conseil fédéral en 2003. La manœuvre a échoué de peu. Le 16 septembre 2009, ce n’est que par un écart de 23 voix que le libéral-radical Didier Burkhalter a été élu pour succéder à Pascal Couchepin.

Stéphane Rossini est une autre figure marquante du parlement que l’on ne verra plus l’hiver prochain. L’actuel président du Conseil national y siège depuis 1999. Son intérêt pour la politique sociale, qu’il a enseignée à Neuchâtel, Genève et Lausanne, a fait de lui l’un des principaux experts en assurances sociales. En 2011, le socialiste valaisan s’est porté candidat à la succession de Micheline Calmy-Rey au gouvernement. Mais le parti lui préféra la double candidature de Pierre-Yves Maillard et d’Alain Berset, le second étant finalement élu.

Avec Jacqueline Fehr, c’est encore une personnalité importante du PS qui quitte la Ville fédérale. Elle y siège depuis 1998 et vient d’être élue au gouvernement zurichois, raison de son retrait. Les assurances sociales, l’égalité salariale, l’assurance maladie, la protection des enfants, le statut des migrantes sont quelques-uns des combats qu’elle a menés à Berne. En 2010, elle fut candidate à la succession de Moritz Leuenberger mais fut devancée par Simonetta Sommaruga.

Membre du PLR, l’Argovienne Christine Egerszegi a également été tentée par l’exécutif. C’était en 2003, à l’occasion du départ de Kaspar Villiger. Mais l’Assemblée fédérale choisit Hans-Rudolf Merz. Elle a siégé au Conseil national de 1995 à 2007 – elle en fut la présidente cette année-là – puis passa au Conseil des Etats. D’un tempérament trop indépendant aux yeux de certains de ses collègues de parti, elle s’est notamment mise en évidence avec l’initiative populaire sur la formation musicale.

Ueli Leuenberger tire lui aussi sa révérence. Le travailleur social et écologiste genevois, dont on a souvent dit qu’il avait tout de la pastèque – vert à l’extérieur, rouge à l’intérieur – a présidé les Verts suisses de 2008 à 2012. Il quitte le Conseil national en même temps que la socialiste genevoise Maria Bernasconi, dont le parcours politique aura été chaotique.

Elue une première fois en 1995, elle ne fut pas reconduite en 1999 avant de faire son retour en 2003. A l’époque, elle faisait carrière sous le nom de Roth-Bernasconi, mais supprima le patronyme de son mari lorsque la loi changea en 2013. Très engagée dans l’égalité salariale et la défense de la cause des femmes, elle dirige le secrétariat de l’Association du personnel de la Confédération.

Ueli Leuenberger et Maria Bernasconi sont deux Alémaniques qui ont fait leur carrière politique en Suisse romande. Lucrezia Meier-Schatz a fait le chemin inverse. Née au Locle, elle a étudié à l’Université de Neuchâtel, mais c’est à Saint-Gall qu’elle a mené sa carrière. Conseillère nationale démocrate-chrétienne depuis 1999, directrice de Pro Familia, elle aura mis un accent très fort sur la politique familiale.

Le conseiller aux Etats Felix Gutzwiller a, lui, commencé son parcours politique à Belmont-sur-Lausanne, mais c’est le PLR zurichois qu’il aura représenté à Berne, au Conseil national de 1999 à 2007 puis au Conseil des Etats. Ce médecin est logiquement très attentif aux questions de santé mais il aura aussi défendu les intérêts des assurances. C’est un homme qui aura aussi bien su tirer les ficelles en coulisses.

Andreas Gross est un autre politicien que l’on peut qualifier de «transsarinien». Elu au National en 1991 sur la liste du PS zurichois, il a obtenu l’autorisation d’effectuer six législatures à Berne tout en s’établissant en partie à Saint-Ursanne, où il dirige une maison d’édition. Son mandat au Conseil de l’Europe l’a motivé à conserver le plus longtemps possible son statut de parlementaire fédéral. Il a été membre de plusieurs missions d’observations électorales à l’étranger.

En plus de Christophe Darbellay et de Stéphane Rossini, un troisième Valaisan s’en va: Oskar Freysinger. Politicien saltimbanque, le Saviésan a été élu au Conseil d’Etat de son canton et ne parvient plus guère à concilier ses deux mandats. Il laissera le souvenir d’un provocateur offensif sur les questions d’identité et de migration, avec quelques intérêts plus surprenants comme l’importation d’ailerons de requin, de produits à base de phoque et de viande de lapin!

L’ancienne conseillère nationale et conseillère d’Etat zurichoise Verena Diener tire aussi sa révérence. Ecologiste jusqu’en 2004, elle fut l’une des cofondatrices du Parti vert’libéral, qu’elle représente depuis 2007 au Conseil des Etats.

Parmi les autres départs, citons ceux du Vert argovien Geri Müller, pris dans la tourmente d’une relation virtuelle privée complexe; de l’Uranaise Gabi Huber, feutrée mais efficace cheffe du groupe PLR; des deux libéraux-radicaux neuchâtelois Sylvie Perrinjaquet et Pierre-André Monnard, qui auront fait, respectivement, un retour et un passage aussi furtifs que discrets sous la Coupole; de la Verte neuchâteloise Francine John-Calame; de l’UDC du Jura bernois Jean-Pierre Graber, dont la réapparition à Berne aura été brève; et des Vaudois Eric Voruz (PS), Pierre-François Veillon et André Bugnon (UDC), dont la vigueur politique s’est pour le moins émoussée. André Bugnon gardera dans sa mémoire un souvenir pénible des seize ans passés à Berne: c’est lui qui, en tant que président de l’Assemblée fédérale, a dû annoncer en décembre 2007 l’éviction du leader de son parti, Christoph Blocher, du Conseil fédéral.

Plusieurs députés ayant des racines des deux côtés de la Sarine se retirent de la vie politique