Ce mercredi, le Conseil national a demandé au Conseil fédéral d’établir une feuille de route pour rouvrir les frontières et rétablir la libre circulation des personnes aussi vite que possible. «Le gouvernement partage le but premier de cette motion, a souligné au pupitre la ministre de la Justice, Karin Keller-Sutter. Mais nous n’avons pas toutes les cartes en main.» Un assouplissement des mesures aux frontières n’a en effet de sens que s’il est fait de manière concertée avec les pays voisins, considère la conseillère fédérale. Or des réticences demeurent dans certains d’entre eux. Entre des plans sanitaires différents, une hausse régionale des ressentiments transfrontaliers et la peur d’une deuxième vague, une foule de questions demeurent en suspens.

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«L’Allemagne n’est pas intéressée par un assouplissement»

A commencer par l’approche que choisira la Suisse. «Un plan existe déjà», a souligné Karin Keller-Sutter. Dès le 11 mai, l’entrée, le séjour et l’accès au marché du travail helvétique seront assouplis et le regroupement familial sera de nouveau possible pour les Suisses et les citoyens des pays de l’UE. Le traitement des demandes présentées par des travailleurs issus de l’Union ou de l’AELE avant l’introduction des restrictions de mars pourra également reprendre. De nouvelles demandes de travailleurs en provenance de ces deux entités territoriales pourront ensuite recommencer à être traitées à partir du 8 juin – «si la situation épidémiologique le permet». «Mais si j’ai appris quelque chose durant cette crise, a souligné Karin Keller-Sutter, c’est que tout peut changer d’un jour à l’autre.»

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D’autant que l’Europe continue de batailler pour retrouver son unité perdue, a dévoilé la ministre: «La Suisse est un pays de transit et la réalité des choses est que l’Allemagne n’est pas intéressée à assouplir les contrôles aux frontières suisses, car nous sommes limitrophes de l’Italie. La position de Berlin est claire.» Concernant la situation de couples binationaux non mariés qui patientent à distance depuis bientôt deux mois, la libérale-radicale a rappelé que 10 000 autorisations spéciales avaient été délivrées par Berne depuis le début de la crise et que, là aussi, des règles similaires s’appliquaient de l’autre côté de la frontière. «Comme 10% du trafic au sein de l’espace Schengen passe par la Suisse et au vu de la situation épidémiologique, un assouplissement plus large exige d’être coordonné avec nos voisins», a-t-elle insisté. Malgré les réclamations de certains cantons frontaliers alémaniques – dont le sien – la Saint-Galloise a signifié que des «solutions régionales» n’étaient pour l’instant pas non plus envisageables.

Cap sur septembre

C’est pourtant l’une des mesures mises en avant par le think tank Foraus dans un article scientifique paru ce mercredi. Selon ce dernier, la mise en place de «zones de confiance» permettant aux régions frontalières de continuer à fonctionner de manière similaire à l’avant-crise serait une manière de normaliser la situation des deux côtés de la douane avant d’envisager d’aller plus loin. Une suggestion que l’UDC ne verra pas d’un bon œil. Seule formation à avoir refusé la motion acceptée ce mercredi, le parti a exprimé sa vive inquiétude de voir affluer chômeurs et étrangers porteurs du virus en Suisse. Alors que le Conseil fédéral a récemment décidé que la population trancherait l’initiative du parti qui demande l’abolition de la libre circulation des personnes en septembre, le brûlant dossier frontalier continuera à n’en pas douter d’embraser les débats ces prochains mois.