Les CFF sont sur le qui-vive et espèrent éviter de revivre la journée du 27 juin. Ce jour-là, trois points du réseau se sont retrouvés paralysés à cause de la dilatation et de la déformation des rails sous l’effet de la chaleur: La Plaine (GE), Berne Wankdorf et Hindelbank (BE), ces deux derniers endroits étant très proches. Le trafic TGV entre Genève et Paris, la circulation entre Berne et Zurich ainsi qu’entre Berne et Bienne ont été entravés, laissant des milliers de passagers en rade. Une perturbation similaire s’est produite de nouveau à La Plaine le 6 juillet. C’est pourquoi la semaine de canicule qui débute suscite les pires craintes. «Nous faisons tout notre possible pour que les trains arrivent à destination», promet Linus Looser, chef de la production ferroviaire chez CFF Voyageurs, à l’occasion d’un point de presse organisé lundi en gare d’Olten.

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La dilatation des rails est l’un des principaux problèmes auxquels les chemins de fer sont confrontés lors de grandes chaleurs. Une température extérieure de 35 à 37°C pendant plusieurs jours peut faire chauffer les rails jusqu’à 70, voire 80°C, estime Stefan Sommer, responsable de la voie ferrée chez CFF Infrastructure. «Ils sont dimensionnés pour fonctionner à de hautes températures», assure-t-il. Mais comme ils sont soudés en continu et reposent sur un châssis composé de ballast et de traverses, ils sont exposés à ce qu’on appelle une «dilatation contrariée». Ils peuvent se déformer latéralement et subir un déjettement.

De l’eau… ou de la peinture claire

Les principaux tronçons sont contrôlés par des inspecteurs spécialisés «toutes les deux à trois semaines». En règle générale, cela suffit pour détecter les anomalies. Mais pas toujours. Les mécaniciens sont formés pour repérer ce genre de problème et donner l’alerte s’ils constatent un soubresaut anormal au passage de leur convoi. La première mesure consiste à faire ralentir les trains lorsqu’ils franchissent la section concernée. Dans les cas les plus extrêmes, la voie doit être temporairement fermée au trafic et le rail remplacé. Globalement, sur les 7000 kilomètres du réseau, cinq à quinze cas se produisent chaque année, recense Linus Looser.


Sur les pics de chaleur actuels


Qu’est-il possible de faire pour abaisser la température au sol? On peut refroidir l’acier en déversant de l’eau dessus. Mais les CFF sont prêts à tester une nouvelle technique, déjà expérimentée par des compagnies telles que les Chemins de fer rhétiques (RhB), le tram de Bâle ou les Chemins de fer autrichiens (ÖBB): peindre le côté des rails en blanc! Selon une étude de l’EPFZ, la couleur claire peut diminuer la température jusqu’à 7°C. Un groupe d’experts interne effectue des tests. Il rendra ses recommandations à la fin de l’été. Une autre mesure est le remplacement des traverses en bois par des traverses en béton. Ces dernières ont une durée de vie plus longue (40 ans au lieu de 25, selon Stefan Sommer) et amortissent mieux la pression exercée par la dilatation du rail.

Mieux informer la clientèle

Les CFF sont d’autant plus attentifs à l’état de leur réseau – ils investissent 2,1 milliards chaque année dans l’entretien – que le chemin de fer est perçu comme étant le moyen de locomotion le plus écologique. C’est d’ailleurs sur ce mode de déplacement que s’appuie de plus en plus la desserte des grandes manifestations. Cette année, 1900 trains spéciaux ont été prévus pour répondre aux besoins de la Fête des Vignerons (1000), de la Züri-Fest (450) et de la Fête fédérale de gymnastique, qui a eu lieu à Aarau en juin. «Nous n’avons pas eu autant de trains supplémentaires depuis Expo.02», souligne Linus Looser.

La canicule pose un autre défi: la température à l’intérieur des voitures. Environ 4100 véhicules sont équipés de 7200 appareils de climatisation, ce qui représente 94% des trains voyageurs des CFF. Ce pourcentage doit grimper à 97% (8000 appareils) l’année prochaine. Les températures visées sont inférieures de 5 à 7°C à la chaleur extérieure, mais les installations atteignent leurs limites lorsque celle-ci grimpe à 35°C, voire plus. Or, plus il fait chaud, plus le risque de défectuosité – 13 cas par an en moyenne – augmente.

La semaine qui débute s’annonce ainsi critique. Mais il reste un autre secteur sensible: l’information à la clientèle. Les CFF assurent qu’ils font des efforts pour améliorer la qualité de leurs annonces, qui se font par haut-parleurs sur les quais et dans les trains, par des panneaux en gare et par les applications en ligne. Mais cela reste le talon d’Achille de l’ancienne régie, l’un des motifs les plus fréquents de la colère des usagers lorsque leur train ne circule plus.