Le BLS prend acte de cette décision. Comme l’a expliqué son directeur Bernard Guillelmon à l’occasion de la conférence de presse bilan de la compagnie jeudi, le réexamen approfondi de la demande déposée en 2017 a abouti à la conclusion que son offre était «tout à fait faisable» mais pas selon le calendrier prévu. Le BLS espérait obtenir ces trois concessions à partir de 2022 et 2023.
Pour cela, il aurait dû acquérir des rames supplémentaires. Or, constate la société bernoise, cela n’aurait pas été possible avant 2024 ou 2025 «en raison du taux d’occupation élevé des fabricants de matériel roulant». Le BLS espérait introduire la cadence semi-horaire entre Berne et Le Locle dès 2023. Il a dû constater que ce n’était pas envisageable avant 2032, et cela pour une autre raison: d’importants aménagements doivent être effectués préalablement dans le périmètre élargi de la gare de Berne.
Moins de subventions
L’OFT partage ces doutes. «La demande du BLS pour les lignes Bâle-Interlaken et Brigue était entachée d’incertitudes», notamment à propos du matériel roulant disponible, observe-t-il. Constatant par ailleurs que la société bernoise avait elle-même reporté à 2032 la mise en œuvre du programme envisagé sur l’axe Berne-Le Locle, l’OFT propose de laisser celui-ci aux CFF. Et cela en dépit du fait que l’offre du BLS aurait été plus intéressante pour les collectivités publiques et les contribuables. Il faut préciser à ce sujet que la transformation de lignes régionales telles que l’axe berno-neuchâtelois en grandes lignes autofinancées permet d’économiser des subventions. L’OFT estime l’allégement en «dizaines de millions de francs».
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Les CFF devraient ainsi conserver la responsabilité de cette ligne. L’OFT n’exclut toutefois pas qu’ils signent un contrat de prestations permettant au BLS de continuer de l’exploiter comme c’est le cas aujourd’hui. L’entreprise bernoise a d’ailleurs acheté du matériel roulant flambant neuf dans ce but: en 2017, elle a passé commande de 58 nouveaux trains auprès du constructeur thurgovien Stadler Rail. Trente sont destinés aux lignes RegioExpress, en particulier à la liaison entre Berne et les Montagnes neuchâteloises, assurée par des compositions vieilles de quarante ans. Les CFF seront-ils prêts à signer une telle convention avec le BLS? L’opérateur national se contente de répondre qu’il va «étudier le projet de l’OFT en détail» avant de se prononcer.
«Un changement de paradigme»
Les CFF ne sont pas satisfaits. Leur patron, Andreas Meyer, a toujours plaidé pour le maintien d’un réseau compact. Ils considèrent que l’octroi d’une concession au BLS pour deux grandes lignes est un «changement de paradigme dans un système suisse de transports publics qui a fait ses preuves». Selon eux, «le réseau devrait être géré d’un seul tenant». Le BLS a un point de vue différent. «Nous avons fait du trafic grandes lignes de 1913 à 2004. Après quinze ans, on peut mener de nouvelles réflexions au sujet de l’accord de 2004. Nous avons présenté un concept après que l’OFT a signalé sa volonté de revoir les concessions grandes lignes», a expliqué Bernard Guillelmon au Temps.
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Les syndicats sont sur la même ligne que les CFF. Pour le Syndicat du personnel des transports (SEV), la division du trafic grandes lignes est une «aberration», qui ne contribuera à améliorer «ni l’offre ni les conditions de travail du personnel». «Où est la valeur ajoutée?», renchérit l’Union syndicale suisse (USS), qui parle d’un risque de «concurrence ruineuse» et d'«atteinte au service public». Conscient des résistances, l’OFT annonce prudemment qu’il prendra une décision définitive en juin, au terme de la consultation. Suivra alors un délai de recours de trente jours.