Raphaël Comte estime que les femmes doivent être équitablement représentées non seulement au Conseil fédéral, mais également au sein des autres autorités élues par l’Assemblée fédérale, par exemple les tribunaux. L’initiative parlementaire qu’il a déposée à ce sujet a été acceptée par le Conseil des Etats, par 20 voix contre 17. Cela n’a pas manqué de surprendre, car ce vote est intervenu quelques jours à peine après que les sénateurs eurent exprimé d’importantes réserves à l’égard de la loi sur l’égalité qui leur était soumise. Cette initiative parlementaire doit encore être confirmée par le Conseil national.

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«Il ne s’agit en aucun cas de créer des quotas», insiste le sénateur neuchâtelois, membre du PLR. Il souligne que ce qu’il demande n’est rien d’autre que d’ériger la question du genre au même niveau constitutionnel que la représentation des régions linguistiques. «Le parlement conservera la possibilité d’élire les femmes et les hommes qui lui conviennent le mieux. La compétence devra rester le critère déterminant. S’il a le choix entre deux personnes compétentes, il prendra ensuite en considération les critères du genre et de la région culturelle et linguistique», justifie-t-il.

Lorsqu’il a défendu sa proposition au Conseil des Etats, Raphaël Comte n’a pas résisté au plaisir de citer Françoise Giroud, qui a dit un jour: «La femme serait vraiment l’égale de l’homme le jour où, à un poste important, on désignerait une femme incompétente.» «Pour qu’une femme soit élue, elle doit être absolument parfaite alors que, pour les hommes, parfois, on tolère tout de même certains petits défauts», ajoutait-il alors, sans, évidemment, citer le moindre nom.

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Pas le même ancrage historique

Il juge la présence de femmes dans un gouvernement nécessaire et profitable au système. «Les femmes sont prêtes à assumer un certain nombre de risques sans forcément toujours songer à la carrière alors que les hommes sont parfois plus calculateurs. On place souvent les gens dans des cases. Quand j’ai commencé la politique, je siégeais à la commission financière de ma commune, où il n’y avait que des hommes. Alors qu’il y avait à peu près deux tiers de femmes à la commission scolaire. Il faut casser cela. Je défends l’idée d’une plus grande mixité. Cela donne de meilleurs résultats et de meilleurs projets», affirme-t-il.

«Lors de la succession de Didier Burkhalter, la question féminine s’est invitée dans le débat. Mais la présence de la minorité italophone, tout à fait légitime, a visiblement pesé plus lourd, puisque c’est Ignazio Cassis qui a été élu. Il est vrai que la question de la représentation linguistique a un aspect historique plus marqué, puisqu’elle se pose depuis la création de l’Etat fédéral en 1848. Celle des genres est forcément plus récente, puisque les femmes n’ont le droit de vote et d’éligibilité que depuis 1971 sur le plan fédéral.»

«Le sexe masculin reste majoritaire au parlement»

Mais ce n’est pas une raison pour baisser les bras. «J’espère que, pour le remplacement de Johann Schneider-Ammann, le groupe PLR pourra proposer une double candidature exclusivement féminine. Cela exercera un peu de pression sur le parlement. A chaque fois que le PLR a présenté un homme et une femme, le parlement a choisi l’homme, et ce n’est pas la faute du PLR si cela s’est terminé ainsi. Et l’on ne peut pas dire que les candidatures féminines aient échoué par manque de compétences. C’est plutôt lié à la dynamique propre à chaque élection. Contrairement à la société, où il y a à peu près autant d’hommes que de femmes, le sexe masculin reste très majoritaire au parlement. Cette majorité trouve toujours une bonne raison de ne pas choisir une candidature féminine. Il faut donc agir pour qu’elle comprenne que ce sujet mérite une grande attention.»

Sa proposition vise aussi la désignation des juges fédéraux. Raphaël Comte siège à la Commission judiciaire, qui présélectionne les candidatures pour les postes vacants dans les instances judiciaires de la Confédération. «J’ai là aussi pu constater que des candidates de très grande qualité étaient parfois sacrifiées parce que la question partisane devenait plus importante. Les formules mathématiques l’emportent: les sièges sont attribués en fonction de la force électorale des partis. J’estime qu’il doit y avoir plus de souplesse. Les tribunaux doivent représenter la structure sociale de la population, pas uniquement la répartition politique.»

Moderne mais conservateur

Raphaël Comte est un politicien atypique. A 39 ans, le sénateur libéral-radical de Corcelles-Cormondrèche compte déjà une ligne prestigieuse sur sa carte de visite: la présidence du Conseil des Etats en 2015-2016, à 36 ans, le même âge qu’Alain Berset quelques années plus tôt. C’est une habitude chez lui d’être toujours le plus jeune là où il est élu, au Grand Conseil neuchâtelois, à la tête du PLR cantonal, puis au perchoir de la Chambre du peuple.

Atypique, il l’est aussi, au sein de la droite, par certains de ses centres d’intérêt. Il s’est engagé avec ferveur en faveur de la loi sur l’égalité. «J’essaie toujours d’être en accord avec mes convictions», insiste-t-il. Il a été choqué par les résistances que celle-ci a engendrées parmi ses collègues sénateurs. «Cette loi va dans la bonne direction. Lorsque le Conseil des Etats a décidé de la renvoyer en commission, il y a eu un profond mécontentement et de sévères réactions. Le parlement se rend compte qu’il a dépassé une ligne rouge. J’attends des propositions permettant d’atteindre l’objectif plutôt que des mesures alibis», plaide-t-il. La commission concernée a repris le dossier lundi.

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Il défend aussi la liberté du mariage et a combattu l’idée du PDC de le définir dans la Constitution comme étant l’union d’un homme et d’une femme. Moderne dans sa conception de la société, ce politicien se montre en revanche conservateur sur le plan vestimentaire. Toujours tiré à quatre épingles, très discret sur sa vie privée, il a, comme président du Conseil des Etats, fait adopter un règlement indiquant les tenues correctes exigées dans l’enceinte de la Chambre haute: cravates pour les hommes, épaules couvertes pour les femmes. Une autre forme d’égalité.


Trois femmes inspirantes selon Raphaël Comte

Simone Veil. Pour son parcours et son courage politique lorsqu’elle a défendu l’IVG en France en affrontant les quolibets de nombreux députés.

Tilo Frey. Première Neuchâteloise élue au Conseil national en 1971, elle a joué un rôle de pionnière pour les droits politiques des femmes.

Anne Frank. Sa tragique destinée rappelle les pires heures de l’humanité et doit nous rendre vigilants face aux risques de répétition de l’histoire.