Lorsque, au tournant du siècle, Le Temps a publié les premières analyses du positionnement des élus fédéraux sur l’échelle gauche-droite de –10 à +10 sur la base de leurs votes, le Conseil national ressemblait à un bouquet multicolore, du moins du point de vue politique.

Les groupes parlementaires s’étalaient généreusement sur cet axe horizontal et se superposaient dans une large mesure. Le flanc droit du PDC débordait sur le Parti radical et côtoyait l’aile gauche de l’UDC. Et son flanc gauche flirtait avec l’aile sociale-libérale du PS. Depuis lors, les groupes ont fait le ménage et il n’y a plus guère de recoupements entre les différents partis. La pression s’est accrue afin que chacun et chacune s’aligne sur la position officielle de son camp politique.


Evolution des positions par formation

De 1996 à 2017, sur une échelle gauche-droite de –10 à +10

Ce graphique montre l’évolution des partis au fil des années. Ainsi, le glissement à gauche du Parti socialiste se confirme. D’un positionnement moyen à –6,3% en 1996, il a progressivement dévié vers la gauche pour atteindre la cote de –9,1 en 2017. De l’autre côté de l’échiquier politique, l’UDC effectue le mouvement inverse. Il se situait à +6,35 en 1996 et se stabilise désormais plus à droite, à +7,8. Les positions politiques des grands partis du centre droit sont plus stables, même si on observe un léger infléchissement vers la gauche pour le PDC alors que le PLR s’infléchit de nouveau vers la droite après s’être rapproché du centre à la fin de la décennie précédente 


Les derniers à être rentrés dans le rang sont les démocrates-chrétiens. Aux yeux de nombreux observateurs, le PDC conserve l’image d’une formation disparate, dont les ailes demeurent éloignées l’une de l’autre. En réalité, ce parti vote de manière beaucoup plus compacte que par le passé. Pour la première fois, le pourcentage de voix discordantes est plus bas au PDC (12%) qu’au PLR (15%).

Le glissement progressif de Gerhard Pfister

Cet ardent désir d’homogénéité se reflète dans ce positionnement gauche-droite du Conseil national. L’édition 2017 (voir la méthodologie en bas de cet article) montre pour la première fois une très grande cohésion interne au PLR et au PDC. Certes, le président du PDC, Gerhard Pfister, est toujours, avec une valeur de +0,2, le démocrate-chrétien le plus à droite. Mais il reste plus à gauche que tous les libéraux-radicaux, y compris Christa Markwalder, la plus décalée du groupe PLR avec une cote de +0,3. A l’autre extrémité du groupe PDC, on trouve la Zurichoise Barbara Schmid-Federer (–1,7) et le nouveau président de l’Assemblée fédérale, Dominique de Buman (–1,5).

Gerhard Pfister a beaucoup évolué. Voici quelques années, le conservateur zougois ne se différenciait guère du courant le plus droitier du PLR. En 2004, sa première année d’activité au Conseil national, il se situait encore à +2,4. Il a par la suite, régulièrement et chaque année, glissé de quelques points vers le centre. Cette évolution n’est pas l’expression d’un changement de positions politiques, ni la simple conséquence de son accession à la présidence du PDC. Elle reflète plutôt le changement de culture qui marque désormais la façon de voter au Conseil national: l’intérêt du parti s’impose de plus en plus face aux valeurs personnelles de chacun.

Erich Hess, le plus à droite de tous

Pour la première depuis douze ans, ce n’est pas un héraut de l’UDC schwyzoise qui occupe la position la plus à droite de l’échiquier politique. C’est un autre membre de cette formation, Erich Hess, citoyen de la ville de Berne et réputé pour être un peu brut de décoffrage, qui obtient la note +10. Mais les Schwyzois Pirmin Schwander (+9,9) et Marcel Dettling (+9,7) ne sont pas loin. Le plus à gauche du parti est le paysan vaudois Jean-Pierre Grin, qui décroche la note +6,1. Mais il a lui aussi glissé vers la droite: en 2008, juste après son entrée au Conseil national, il se situait à +5,6. L’UDC romand le plus à droite est le Vaudois Michaël Buffat, fraîchement élu à la vice-présidence du groupe parlementaire, avec +8,1. Le nouveau chef du groupe, Thomas Aeschi, s’est sensiblement rapproché du bord droit depuis son élection en 2011. De +7,7 en 2012, il est passé à +9,6%.

Lire aussi: Une génération sans révélation évidente

Quels sont les acteurs et actrices politiques les plus à gauche en Suisse: les Verts ou des membres du Parti socialiste? Jusqu’au début des années 2010, la réponse à cette question était limpide: c’étaient les Verts. C’est moins clair aujourd’hui. Ce sont en effet des socialistes qui occupent les positions les plus à gauche au sein de l’hémicycle. Il s’agit de l’éducatrice spécialisée bâloise Silvia Schenker, notée à –9,9, et du Vaudois Samuel Bendahan (–9,8), arrivé en juin. Si le groupe socialiste vote lui aussi de manière plus uniforme, il dispose toujours d’une aile sociale-libérale, principalement incarnée par la Zurichoise Chantal Galladé (–8,2) et la criminologue vaudoise Rebecca Ruiz (–8,4).

Le PS à gauche des Verts

Les Verts ont ainsi troqué leur place contre celle du PS. La Genevoise Lisa Mazzone (–9,4) est l’élue verte la plus excentrée par rapport à la moyenne du parti, mais elle est dépassée sur sa gauche par dix membres du groupe socialiste. De l’autre côté, Bastien Girod et Daniel Brélaz (–7,8 chacun) se positionnent même plus à droite que l’ensemble des socialistes. Quant au popiste neuchâtelois Denis de la Reussille, ses votes lui valent une cote de –8,8.

Le flanc droit du PLR présente un visage très compact. Ils sont quatre au même niveau de +2,4, dont le directeur de l’Union suisse des arts et métiers, Hans-Ulrich Bigler. Quant au nouveau chef du groupe Beat Walti, il se situe, avec +1,1, au beau milieu des siens et tout près de son prédécesseur Ignazio Cassis (+1,3). Si tous se montrent de plus en plus unis lors des votes, aucun groupe ne l’est toutefois autant que celui des vert’libéraux. Le spectre est étroit, entre –2,7 (pour l’ancien président du parti Martin Bäumle) à –3 pour Kathrin Bertschy et la leader du groupe Tiana Angelina Moser. Seule Romande de la délégation, la Vaudoise Isabelle Chevalley est à –2,9.


ZOOM. Roger Köppel, empereur de la chaise vide

Afin de positionner les 200 conseillers nationaux et les 46 conseillers aux Etats – ce second tableau sera publié vendredi –, Sotomo a commencé par recenser les votes auxquels les parlementaires ont pris part. Cela donne une idée de l’absentéisme de celles et ceux que les électeurs ont désignés pour les représenter à Berne.

Plusieurs femmes ont manqué des séances parce qu’elles ont eu le bonheur de donner naissance à un enfant. C’est le cas de l’UDC Andrea Geissbühler (717 votes) et des socialistes Mattea Meyer (628), Rebecca Ruiz (689) et Nadine Masshardt (723). L’UDC Thomas Burgherr (737) a connu des problèmes de santé. La palme de l’absentéisme peut ainsi être décernée à l’UDC zurichois et patron de la Weltwoche Roger Köppel. Il n’était présent qu’à 655 votes entre novembre 2016 et septembre 2017. Pour des raisons de santé et d'engagements internationaux, Doris Fiala (PLR/ZH) n’a que 713 scrutins à son compteur et Martin Bäumle (PVL/ZH) 779. En revanche, l’UDC Magdalena Martullo-Blocher a appuyé 983 fois sur le bouton de vote, ce qui n’est pas loin du record, détenu par le PLR Matthias Jauslin (1014).


MÉTHODOLOGIE. Réalisé par l’institut indépendant de recherche et de sondage Sotomo de Zurich, dirigé par le sociogéographe Michael Hermann, le rating du Conseil national est calculé depuis 2012 selon la méthode «DW Nominate». Pour le Conseil des Etats, c’est le système «Alpha Nominate» qui est utilisé depuis 2015. Ces méthodes ont été développées pour le Congrès américain et illustrent l’orientation idéologique des parlementaires sans qu’il soit nécessaire d’évaluer chaque vote individuel. Les valeurs de la radiographie sont établies par la comparaison des parlementaires par paires.

Plus les votes de deux élus coïncident, plus ils sont proches l’un de l’autre. «DW Nominate» permet par ailleurs d’établir des tendances et de comparer ainsi les positions de chaque parlementaire dans le temps. Les bases de données étant diffé- rentes, les valeurs de l’évaluation du Conseil national et du Conseil des Etats ne peuvent pas être comparées directement. Le rating des parlementaires paraît dans Le Temps depuis 1999.