Cela fait six ans que le parquet vaudois se démène avec une affaire opposant une détenue à des gardiens de la prison de La Tuilière. Et ce n’est pas terminé. Après l’acquittement des sept surveillants, c’est désormais la plaignante qui est poursuivie pour avoir diffamé ses geôliers en les accusant de violences. Défendue par Mes Yaël Hayat et Guglielmo Palumbo, celle-ci a recouru jusqu’au Tribunal fédéral pour obtenir la récusation du procureur Eric Mermoud qui avait très tôt qualifié sa plainte de mensongère. Elle vient d’obtenir gain de cause.

Nombreuses péripéties

C’est en octobre 2009 que Laura, de son prénom fictif, condamnée à 15 ans de réclusion pour avoir poussé son amant à tuer son mari, dépose plainte contre des agents de détention pour mauvais traitements. De son côté, le gardien sous-chef de piquet a déjà saisi la justice pour dénoncer cette détenue, réputée agressive et quérulente, qui se permet de porter des accusations farfelues contre ceux qui ont dû maîtriser une de ses crises d’hystérie.

La procédure connaît un nombre important de péripéties. Finalement, les gardiens sont acquittés et le jugement est confirmé en appel. Malgré un recours encore pendant à Mon-Repos, cette issue réactive la plainte en diffamation dirigée contre la détenue, qui avait été suspendue dans l’attente du procès des surveillants. Plainte à laquelle se sont désormais joints les six autres gardiens acquittés. Le même procureur est chargé de la nouvelle enquête menée cette fois contre Laura.

Me Hayat demande immédiatement la récusation d’Eric Mermoud dont la conviction semble déjà faite. L’avocate rappelle que le magistrat a d’abord classé la plainte de sa cliente, l’a qualifiée de téméraire et a encore abandonné l’accusation lors de son réquisitoire contre les surveillants. Au nom d’une administration rationnelle de la justice, la Chambre des recours pénale du canton rejette la requête.

Apparence de parti-pris

Ce ne sera pas le cas du Tribunal fédéral. L’arrêt, rendu le 11 novembre dernier, relève la manière très abrupte avec laquelle le procureur a exprimé sa position. La décision évoque un «ton particulièrement péremptoire». Le magistrat a ainsi affirmé que la plaignante a volontairement instrumentalisé la situation pour obtenir un transfert, qu’elle a fait des déclarations contraires à la vérité, qu’elle a agi de façon injustifiée et gratuite ou encore qu’une condamnation des gardiens est tout simplement impossible.

En s’exprimant très clairement en défaveur de la recourante, «non seulement quant à la véracité des faits qu’elle dénonçait, mais aussi quant à ses intentions et son mobile», le procureur a pu donner une apparence de parti-pris. La récusation est admise et la cause renvoyée afin qu’un autre magistrat soit désigné. Une consolation pour les avocats de Laura qui se disent «très soulagés qu’un procureur qui a perdu la distance nécessaire soit retranché et que l’instruction puisse se poursuivre de manière sereine».