Attaché, jusqu'à maintenant, à l'utilisation de l'or de la BNS pour la réduction de la dette publique, le Conseil fédéral lâche un peu de lest. Il s'est dit prêt, vendredi, à imaginer que la part de la Confédération, qui équivaut à un peu plus de 7 milliards, soit utilisée pour les assurances sociales, à condition que la solution trouvée n'empêche pas de procéder aux assainissements nécessaires.

Comme les partis politiques, le gouvernement n'a jamais été unanime sur l'usage qu'il faut faire de ces milliards. Le Parti radical continue de considérer que cet argent doit être utilisé pour réduire la dette. Le PDC a longtemps défendu la même idée, mais, depuis la fin de l'an dernier, il s'engage pour que la part fédérale contribue à l'assainissement de la dette de l'AI. Le PS veut que l'AVS touche une part des excédents que la BNS reverse aux collectivités publiques, qu'il s'agisse des bénéfices annuels ou des réserves d'or mises en vente. L'UDC le rejoint sur cette ligne. Ces divergences de vues ont été répercutées jusqu'à l'intérieur du collège gouvernemental. Celui-ci a dès lors eu beaucoup de peine à se forger une opinion claire. Il était censé prendre position juste avant Noël, mais a dû ajourner sa décision, faute d'entente. Il a, par la suite, décidé de procéder à la vente de l'or ce printemps encore (LT du 26.02.2005), mais a laissé ouverte la question de l'affectation de la part fédérale.

Au terme de la séance hebdomadaire de vendredi, cette question est toujours ouverte. Mais la réduction de la dette n'est plus la seule option que le gouvernement pourrait soutenir. Cela reste bien sûr une possibilité. «La dette, qui dépasse 130 milliards, pourrait ainsi être réduite de quelque 5%, et les intérêts annuels diminueraient de 200 à 250 millions. Cette solution aurait dès lors des effets positifs, également pour les générations futures et pour l'économie», commente Hans-Rudolf Merz.

Le Conseil fédéral considère cependant que la solution proposée par la Commission économique du Conseil des Etats répond elle aussi au critère de durabilité auquel il tient. En quoi consiste cette solution, adoptée le 17 février dernier? La commission propose d'attribuer les 7 milliards à l'AI à la condition expresse que l'assainissement de cette assurance ait été entrepris préalablement. L'argent ne lui sera versé que lorsque l'AI aura présenté un «résultat positif dans le compte d'exploitation» et seulement si «une consolidation financière durable de l'AI s'annonce».

La dette de l'AI atteindra bientôt 10 milliards

Cette exigence nécessite la création d'un fonds de compensation de l'AI séparé de celui de l'AVS auquel il est aujourd'hui rattaché et sur lequel il pèse lourdement. L'AI accumule les déficits année après année (1,6 milliard en 2004), et sa dette dépasse 6 milliards, alors que l'AVS est bénéficiaire et dispose de 26 milliards de réserves. A la fin de la décennie, la fortune de l'AVS sera encore de 24 milliards, mais la dette de l'AI grimpera à 10 milliards si rien n'est entrepris. Corollaire logique, la solution de la commission des Etats suppose également que la cinquième révision de l'AI, qui a pour but de réduire les coûts, soit mise en œuvre. D'ici là, les 7 milliards seraient gérés par la trésorerie fédérale. Le PS rejette cette solution. «Ce n'est pas praticable, car on ne sait pas combien de temps il faudra pour que ces conditions soient remplies», explique son porte-parole, Jean-Philippe Jeannerat. Le PS est d'accord de donner ces 7 milliards à l'AI, mais sans conditions. Ce que le Conseil fédéral refuse de faire: «Le risque existe que, une fois l'argent versé, on renonce aux mesures d'assainissement, qui restent pourtant nécessaires», argumente Hans-Rudolf Merz.

La proposition de la commission des Etats reste ainsi fragile. Elle n'a été approuvée que par 5 voix contre 3 et 3 abstentions. Le PRD ne la soutient pas. Officiellement, l'UDC non plus. Mais cette dernière pourrait changer d'avis dans la mesure où la solution qu'elle prône, l'AVS, n'a plus guère de chances d'être retenue. Dans la mesure où, aussi, elle exige l'assainissement préalable de l'assurance invalidité. Le jeu reste donc très ouvert.