La réforme de l'armée sauve sa peau
Défense
Rejetée en juin, la réforme de l’armée, qui doit ramener les effectifs de 200 000 à 100 000 avec un budget de 5 milliards par an,

Recalée en juin par une majorité de circonstance entre l’UDC et la gauche, la réforme de l’armée a été repêchée mercredi au Conseil national. Ce sera une armée de 100 000 hommes, avec une capacité de mobiliser 35 000 soldats en dix jours et un cadre budgétaire quadriennal de 20 milliards de francs.
Ce débat de la dernière chance pour le projet du ministre de la Défense Ueli Maurer aura surtout été l’occasion de tester la nouvelle majorité de droite au Conseil national. Mais aussi de démontrer l’aptitude du Parti libéral-radical à exercer à lui seul le rôle de pivot du parlement. D’ailleurs, par crainte de tout perdre, l’UDC a finalement abandonné ses exigences pour se rallier à la position du PLR, alors que la gauche se contentait de s’abstenir. En ne variant pas de leur ligne, les libéraux-radicaux auront ainsi fait savoir qu’ils ne se laisseraient pas impressionner par la force de l’UDC et qu’ils avaient les moyens de construire des majorités.
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Le projet DEVA, pour «Développement de l’armée», est l’objet de violentes controverses aussi bien au parlement que dans les cercles d’officiers depuis au moins quatre ans. Son objectif était d’adapter l’armée aux nouvelles menaces et aux nouvelles missions, dont une assistance accrue aux autorités civiles et davantage de tâches de protection. Il s’agit d’améliorer la disponibilité opérationnelle des troupes, d’accélérer la mise sur pied et de permettre un rééquipement complet des unités. Le passage de 200 000 à 100 000 hommes doit aussi permettre l’adaptation d’une milice de masse à une force d’intervention plus flexible, mieux formée et avec un ancrage territorial.
L’échec du mois de juin est dû à une alliance de circonstance entre la gauche, qui voulait limiter les effectifs à 80 000 hommes et le budget à 4,4 milliards par an, et l’UDC, qui souhaitait maintenir un nombre de 120 000 soldats avec une enveloppe de 5,4 milliards. Mais, comme l’a relevé le Vert Balthasar Glättli, la vraie raison, c’est l’incapacité de présenter au parlement une conception du rôle de l’armée susceptible de rassembler une majorité.
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Le Conseil national en a encore fait la démonstration mercredi. D’un côté le président de l’UDC, Adrian Amstutz, voit dans les attentats de Paris et la mise sur pied en France de 80 000 hommes, dont la moitié de soldats, la démonstration qu’une armée de 100 000 hommes pour la Suisse ne permet pas d’assurer la sécurité du pays. De l’autre, le socialiste Pierre-Alain Fridez (JU) estime que le rôle de l’armée n’est pas d’assurer la sécurité intérieure, ce qui est la tâche de la police. Et donc un effectif limité à 80 000 miliciens suffirait.
En fait, critique Balthasar Glättli, le projet tel qu’il est sorti des travaux de la commission, 100 000 hommes et un cadre financier quadriennal de 20 milliards de 2017 à 2020, correspondrait davantage à la nécessité de trouver une majorité qu’à faire face aux menaces réelles. Il y a, dénonce-t-il, une volonté de la droite d’attribuer toujours plus de tâches civiles à l’armée pour justifier la hauteur de ses budgets.
Car le véritable enjeu du débat, ce sont les finances, au moment où le Conseil fédéral s’apprête à présenter son programme de stabilisation financier, avec des coupes dans les budgets de la coopération, de la formation et de la recherche, de l’agriculture. La droite, sous l’impulsion du PLR, a anticipé ces mesures en proposant un arrêté fédéral fixant un plafond de dépenses de 20 milliards pour quatre ans. La gauche a souhaité, en vain, repousser l’adoption de cet arrêté après le débat budgétaire. De toute manière, a averti Ueli Maurer, tout pourra être remis en question l’an prochain, lorsque le Conseil fédéral aura présenté son programme d’économies.
La révision de la loi sur l’armée, adoptée par 142 voix contre 7 et 43 abstentions à gauche, retournera au Conseil des Etats pour éliminer des divergences. La majorité du Conseil national a maintenu en effet l’obligation d’effectuer six cours de répétition de trois semaines, alors que les Etats se satisfaisaient de cinq cours et le que le Conseil fédéral voulait les limiter à une durée de deux semaines.