Regard

Preuve d’intégrité et transparence salariale, des pistes pour réformer la FIFA

La réforme de la FIFA entre dans le vif du sujet. Trois mois après l’annonce de la démission de son président Sepp Blatter, le comité de réforme, présidé par l’avocat lausannois François Carrard, se réunit à Berne mercredi et jeudi. Pour cette première session, la douzaine de membres écoutera Domenico Scala, le président du comité d’audit et de compliance de la FIFA. Il a été mandaté pour poser noir sur blanc ce qui doit changer au sein de l’organisation sportive. Il a tout un éventail de propositions. Elles n’ont pas été rendues publiques mais il y a déjà quelques certitudes. Ainsi que des pistes très sérieuses.

Tout en haut de sa liste figure la limitation des mandats, voire de l’âge, du président et des 25 membres du comité exécutif de la FIFA. Objectif: réduire les interdépendances et l’accumulation des petits arrangements entre des patriarches indéboulonnables. Tout le monde s’accorde à le dire: ce garde-fou est impératif pour que le copinage ne fasse plus loi.

Cette limitation a déjà été débattue, puis sèchement refusée par le congrès, en 2014 à São Paulo. Mais c’était avant que ne s’ouvrent les enquêtes américaines, suisses, et leur lot de nouvelles révélations. Aujourd’hui, puisqu’il est question d’améliorer les standards de gouvernance à tous les étages, cette limite de mandats pourrait aussi concerner les confédérations et les associations nationales. Problème: la FIFA ne peut pas leur imposer cette restriction. Elle n’est pas leur supérieur hiérarchique. Par contre, elle peut adapter ses critères d’éligibilité et n’accepter un candidat à ses organes dirigeants qu’à la condition que sa fédération ait elle aussi instauré des limites…

L’autre nouveauté à attendre, c’est le test d’intégrité qui sera exigé de ceux qui veulent accéder au comité exécutif. Simplement dit: qui veut prendre les grandes décisions à la FIFA doit montrer patte blanche. Une certaine pression existe aussi pour que, à l’image du Comité international olympique (CIO), les salaires des dirigeants soient publiés. Un acte symbolique vers la transparence? Pas seulement. C’est aussi un moyen pour eux de prouver qu’ils gagnent assez pour ne pas être corruptible. D’après nos informations, l’idée serait de publier les salaires de ceux qui ne sont payés que par la FIFA (c’est le cas du président ou du secrétaire général), ainsi que le total des autres versements, pour ceux qui cumulent des fonctions mondiales, continentales ou nationales.

Mais la transformation de l’organisation pourrait aller plus loin encore. En s’inspirant du secteur privé, les réformateurs pourraient vouloir que la FIFA scinde ses organes dirigeants. Le comité exécutif ne serait plus le seul à décider, il serait supervisé par une sorte de conseil d’administration, composé d’un président et de plusieurs membres, dont certains indépendants. Ce conseil déciderait de la stratégie à long terme. A la charge ensuite d’un comité de direction de l’appliquer au quotidien. Ce système permettrait de réduire les interférences au sein d’une entité qui est à la fois le régulateur et l’organisateur de grandes compétitions.

Dans le même but, les réformateurs pourraient aussi aborder l’épineuse question des intermédiaires – entre organisateurs et diffuseurs ou sponsors. L’acte d’accusation américain décrit avec moult détails les pots-de-vin quasi systématiques versés par ces sociétés aux dirigeants panaméricains pour obtenir des contrats. Depuis le scandale ISL, en 2008, la FIFA a plus ou moins renoncé à l’usage de ces spécialistes de la commercialisation des droits d’images. Mais pas les confédérations, ni les fédérations nationales.

Qu’ils soient pertinents ou non, tous ces projets de réforme pourraient rester lettre morte. Au final, ce sont les 25 membres du comité exécutif qui décideront de les adopter. Oseront-ils s’y opposer, connaissant l’immense pression médiatique et juridique entourant ce dossier? Il se dit en tout cas que ces grands pontes du football mondial ont grincé des dents, lorsque Domenico Scala leur a exposé ses idées, en juillet. Il s’agit pourtant de ne pas rater le coche. Avec le départ en février d’un président en place depuis dix-sept ans, l’occasion est idéale pour vraiment changer la FIFA.

Même sans pouvoir décisionnel, les réformateurs ont deux atouts pour faire céder le comité exécutif: rendre leurs propositions publiques pour accroître la pression politique. Ou faire appel aux sponsors pour leur ajouter une pression financière. Les Adidas, McDonald’s et autres Coca-Cola ont tout à gagner à ce que la FIFA et son image évoluent. Ils seront d’ailleurs invités à se prononcer dès octobre sur les réformes.

François Carrard a en effet voulu créer un conseil consultatif. Un «contrepoids» à son comité de réforme, dit-il, dont deux des cinq membres ont été proposés par les sponsors. C’est une première. Et c’est déjà une petite révolution.