Réguler la LAMal, un enjeu brûlant avant le vote sur la caisse publique
Assurance Maladie
Au Conseil national, PLR et PS unissent leurs forces pour renforcer la lutte contre la chasse aux bons risques. La loi sur la surveillance en sursis
Le PLR et le Parti socialiste main dans la main pour défendre une modification de la loi fédérale sur l’assurance maladie (LAMal). Alors qu’ils se déchirent sur la caisse publique, les deux partis ont noué une alliance de circonstance pour défendre la compensation des risques dans l’assurance de base. Le Conseil national a plébiscité le principe mercredi matin par 137 voix contre 35 et 17 abstentions. Seul le groupe UDC s’est opposé au projet.
La compensation des risques? Une appellation barbare pour définir les mesures à prendre pour réduire les disparités existant entre assureurs maladie concernant le «risque maladie» de leur clientèle.
Dans un marché où malades et bien portants paient la même prime, certaines caisses ont basé leur modèle d’affaires sur la chasse aux bons risques. Elles attirent les jeunes en bonne santé qui ne coûtent rien et tentent de se débarrasser des autres. Et pour cause: 20% des assurés génèrent 80% des coûts. Selon Jean-François Steiert (PS/FR), «les stratégies d’optimisation de portefeuille coûtent entre 300 et 400 millions de francs par an, montant que les assurés doivent payer».
La compensation des risques est un serpent de mer de la politique de la santé. Introduite avant l’entrée en vigueur de la LAMal, en 1996, elle cherche à rétablir un certain équilibre financier entre les caisses. A l’origine, elle était temporaire et ne comportait que deux critères indirects: l’âge et le sexe. Le dispositif a été complété en 2007 par la prise en compte des hospitalisations de plus de trois nuits enregistrées l’année précédente. Le montant transféré chaque année entre les caisses au titre de la compensation des risques avoisine 1,5 milliard de francs, sur les 26 milliards à la charge de l’assurance de base.
Le projet des réseaux de soins, refusé par le peuple en juin 2012, proposait d’affiner la compensation des risques en intégrant d’autres critères de morbidité. Non contesté, ce point a été repris par le Conseil fédéral et par le PLR et le PS par le biais d’initiatives parlementaires. Avec des motivations différentes: les libéraux-radicaux souhaitent limiter une pratique «qui nuit à l’efficience des caisses et entrave la concurrence»; les socialistes défendent le principe pour «améliorer le système, quitte à perdre un argument dans le débat sur la caisse publique», comme l’a souligné Silvia Schenker (PS/BS).
L’initiative sur la caisse publique, qui sera soumise au peuple fin 2014 ou début 2015, a été omniprésente tout au long des débats. En particulier lors de la discussion sur la proposition de minorité de Toni Bortoluzzi (UDC/ZH) demandant que l’article 17 spécifie que le Conseil fédéral «empêche l’accroissement de la compensation des coûts». Objectif de cette précision, acceptée par 95 voix contre 89: exclure une compensation sur la base des coûts effectivement payés, qui découragerait les efforts de bonne gestion, pour s’en tenir uniquement aux risques estimés. Histoire de ne pas aller «vers une caisse unique qui ne dit pas son nom», comme l’ont souligné plusieurs parlementaires.
A gauche, Jean-François Steiert et Jacqueline Fehr (PS/ZH) ont insisté sur le progrès apporté par l’affinage de la compensation des risques. Mais selon eux, il ne suffit pas. «Cela va régler 30 à 40% des cas, juge le Fribourgeois. Pour aller vers un taux de 100%, la seule option, c’est la caisse publique. Nous prenons cette modification de la LAMal comme un premier pas dans cette direction.»
Si les Etats suivent le National au printemps prochain, le Conseil fédéral devra définir par voie d’ordonnance de nouveaux indicateurs de morbidité pour affiner la compensation des risques. Il devrait notamment intégrer les groupes de coûts pharmaceutiques. La récolte des données nécessaires prendra du temps. Dans l’intervalle, la prise en compte des séjours de plus de trois nuits dans un hôpital ou dans un EMS – appelée à disparaître de la loi – devrait être maintenue à titre transitoire. Les services d’Alain Berset devront en outre définir un indicateur qui permette de prendre en compte les traitements ambulatoires.
Juste après le vote d’ensemble, la Chambre basse a commencé à traiter la loi sur la surveillance de l’assurance maladie. Un enjeu également central dans la perspective du vote sur la caisse unique. Avec, cette fois, une opposition frontale entre le PLR et le PS. Le premier, soutenu par l’UDC, le PBD et une partie du PDC, ne veut pas d’une loi spécifique. Il devrait obtenir ce jeudi son renvoi au Conseil fédéral.
Le montant transféré entre les caisses avoisine 1,5 milliard, sur les 26 milliards de l’assurance de base