La naissance du Mittelland, en 1994, avait pourtant suscité méfiance, voire ricanements du côté de l'arc lémanique, qui n'avait pas vraiment été convié à y participer. «Nous pouvions craindre qu'il s'agisse d'une alliance séparée des cantons du plateau central dirigée contre la région lémanique, et nous ne pouvions y entrer sans autre», souligne le Vaudois Claude Ruey, responsable de la politique extérieure d'un canton qui, vu sa position géographique intermédiaire et la sensibilité de son arrière-pays, se doit de jouer sur les deux tableaux.
Depuis, la situation a évolué. Premièrement, les craintes lémaniques se sont révélées infondées, l'alliance du plateau central ayant prouvé son caractère inoffensif. Même si Claude Ruey veut lui attribuer comme principal mérite le lancement de l'Expo.02, les réalisations communes favorisées par l'Espace Mittelland sont de nature essentiellement technique (pour l'harmonisation du marché intérieur par exemple) et d'une portée si limitée que seuls les experts sont à même d'en énumérer quelques-unes.
A cela s'ajoute que le débat politique a été modifié par l'irruption des idées de fusion. Notamment avec l'aboutissement des initiatives populaires pour l'union Vaud-Genève, dont les promoteurs s'efforcent maintenant de rallier des partisans en Valais, et proposent de redécouper la Suisse en quelques grandes régions. Cet activisme a eu pour effet de donner un coup de fouet au Mittelland, dont les membres veulent désormais incarner, face aux fusionnistes, une politique de «géométrie variable». C'est en tout cas ainsi qu'un canton fondateur comme celui de Berne justifie l'extension de l'espace d'origine et le risque considérable qui en découle: celui de voir cet ensemble se diluer et perdre toute l'homogénéité qu'il avait jusqu'à présent.
Bien que la géographie du Mittelland recoupe désormais la presque totalité d'une future Suisse occidentale (l'Argovie rejoint également certains projets des sept), ses adhérents rejettent toute perspective de bouleversements institutionnels. Les magistrats cantonaux du Mittelland ont multiplié lundi à Berne les déclarations d'intention sur leur volonté de renforcer leurs collaborations, seule manière selon eux, «moins spectaculaire mais réaliste», de régler les problèmes au niveau adéquat. Des promesses faites d'autant plus volontiers que le concept de géométrie variable avancé ne s'embarrasse pas à ce stade d'un contenu bien consistant.
Coopération ou fusion: pas d'opposition de principe
François Cherix, animateur de l'Union Vaud-Genève, ne voit pas d'opposition entre cette dernière démarche et le Mittelland, «puisque ces collaborations permettent de construire la substance de nos futures régions». Pour lui, «tout ce qui émerge en termes de collaborations, provoqué par l'obsolescence des frontières actuelles, est positif». «C'est à force d'opposer une solution à une autre que l'on reste immobile», ajoute-t-il, tout en se disant persuadé que les collaborations intercantonales ne pourront à terme que mener à l'institution de nouvelles régions.