La relève socialiste vit de politique et d’amour

Vaud Le couple Rebecca Ruiz et Benoît Gaillard représente la génération montante du PS lausannois

Les deux militants font ménage commun et ne s’en cachent pas. En revanche, il refusent d’apparaître ensemble

Ils incarnent la dernière lignée conquérante du Parti socialiste lausannois. Ils sont mariés. Rebecca Ruiz, 32 ans, et Benoît Gaillard, 28 ans, jouent les premiers rôles. Leur parabole ascendante ne fait que commencer. Elle s’accélère même. Le fonctionnement de la section socialiste de la capitale favorise, d’une part, l’éclosion des talents et, d’autre part, plus qu’ailleurs, resserre leurs liens parfois jusqu’au mariage. Le tandem très urbain illustre cette alliance de la politique et des sentiments vécue par d’autres couples de camarades.

Sans hésiter, Rebecca Ruiz se prépare à quitter le Grand Conseil vaudois, où elle a siégé à peine deux ans, en direction du Conseil national; ­Josiane Aubert se retire avant la fin de la législature. Première des viennent-ensuite il y a quatre ans, la Lausannoise d’origine espagnole accédera à la Chambre basse le 1er juin prochain. La criminologue, fille de parents de gauche, a siégé au législatif citadin et a dirigé le PS de Lausanne (PSL).

De son côté, Benoît Gaillard, issu des Jeunesses socialistes, officie en tant que collaborateur personnel de Nuria Gorrite, conseillère d’Etat depuis 2012, dont il est également délégué à la communication. Président du PSL, élu au parlement communal, il est très présent dans les médias et sur les réseaux sociaux. Rivé à son smartphone, il attendra ce dimanche le verdict populaire sur la tour de Beaulieu. Le fils du journaliste Michel Zendali s’est beaucoup investi dans la campagne. Le résultat en faveur ou contre le bâtiment controversé de 84 mètres pourrait marquer son avenir. Pour l’heure, il dédramatise les conséquences du scrutin.

Sur la scène politique, le duo partage quelques idées phares. L’Etat doit dicter ses exigences au nom du service public. En dépit de positions critiquées sur la sécurité, car jugées trop répressives par une frange du parti, ils se situent eux-mêmes plutôt à la gauche du PS. Rebecca Ruiz et Benoît Gaillard se démarquent de Pierre-Yves Maillard ainsi que des proches de la figure tutélaire du PS à la tête du gouvernement cantonal.

A la ville, les deux politiciens font ménage commun et ont un jeune enfant. Ils ne s’en cachent pas. En revanche, ils refusent d’apparaître ensemble et de répondre en même temps aux questions. Le mariage constitue «une borne de notre action et non pas un enjeu politique», précise Benoît Gaillard dans un café du centre-ville. Rebecca Ruiz, attablée dans un tea-room deux heures auparavant, confirmait: «Chacun a son parcours.»

D’autres socialistes connus concilient mariage et vie politique. Géraldine Savary au Conseil des Etats et Grégoire Junod à la municipalité de Lausanne. Florence Germond à l’exécutif de la capitale et Roger Nordmann au Conseil national. Cesla Amarelle siège à la Chambre du peuple à Berne et Philipp Müller est un haut cadre du CHUV, proche de Pierre-Yves Maillard.

Or, l’addition des couples n’embarrasse pas le PS. «Ce n’est pas un sujet de discussion», indique Stéphane Montangero, président de la formation vaudoise. Les choses changeraient probablement le jour où mari et femme socialistes brigueraient des sièges à la municipalité de Lausanne et au Conseil d’Etat. Géraldine Savary pourrait-elle aspirer à l’exécutif cantonal si Grégoire Junod était entre-temps devenu syndic de Lausanne?

«Le risque, note plutôt Benoît Gaillard, c’est que l’on donne l’impression que la direction du parti repose sur un petit cercle entretenant des liens familiaux. En réalité, ce n’est ni le cas, ni un problème.» Au contraire, les responsables du parti prônent l’ouverture. L’interdiction de cumuler les mandats et la propension à confier des responsa­bilités aux plus jeunes membres motivés «élargissent la surface de recrutement». La présidence du PSL a certes déjà été transférée d’un époux à l’autre, comme ce fut le cas il y a une année entre Rebecca Ruiz et son mari. Mais la rocade ne semble pas avoir suscité, au grand jour du moins, des réactions négatives.

Or, avance Benoît Gaillard, ces compagnonnages «pourraient se multiplier à l’avenir. La professionnalisation de la politique, notamment à gauche, ainsi que l’arrivée en nombre des femmes, jeunes et actives, dans les parlements et les exé­cutifs expliquent en partie cette ­évolution.» En outre, précisent à distance les deux socialistes, les activités très «impliquantes», caractéristiques du PS lausannois, encouragent la naissance de relations amicales, voire intimes. «Des rencontres, des forums, des sorties, la présence répétée sur le terrain renforcent l’esprit de groupe», rappelle Rebecca Ruiz.

Très à cheval sur le travail d’équipe, prêt à rappeler à l’ordre les solistes, attentif à une certaine discipline idéologique et misant sur l’intégration des nouveaux venus, le parti est le terreau de générations, sinon de «tribus», de militants. Cette proximité au quotidien se traduit dans des «engagements émotionnels collectifs», résume Benoît Gaillard.

Les activités très «impliquantes» encouragent la naissance de relations amicales, voire intimes