A l’occasion de ses 100 premiers jours à la tête du Service de renseignement de la Confédération (SRC), Jean-Philippe Gaudin tirait ce vendredi un premier bilan sur son action à ce poste. Arrivé début juillet, il avait hérité de la lourde tâche de diriger un service stratégique en manque de leadership, compromis par l’affaire Daniel M., l’espion suisse arrêté en Allemagne pour avoir essayé d’infiltrer ses services fiscaux – en fait un détective privé payé par le SRC –, et confronté à de sérieux problèmes d’espionnage russe. Trois mois plus tard, le brigadier annonce un service «plus fort et plus percutant» et la création de dizaines de nouveaux postes.

«Nous devons désormais être clair avec les Russes»

Au centre de l’actualité depuis plusieurs mois, l’espionnage agressif russe a été vertement tancé par le Vaudois, qui a annoncé vouloir «siffler la fin de la récréation». Pour ce faire, il s’est félicité de pouvoir compter sur la nouvelle loi sur le renseignement (LRens), opérationnelle depuis un an, qui permet de collecter des données à l’insu des personnes concernées, et, pour les cas extrêmes, avec une approbation du Tribunal administratif fédéral, de procéder à des écoutes téléphoniques, des fouilles de domicile, la pose de caméras et autre hacking.

«Nous devons désormais être clair avec les Russes: nous avons les capacités de voir ce qu’ils font et nous les utiliserons pour contrer leurs opérations», a-t-il prévenu. Sans cette loi, le SRC n’aurait par exemple pas pu collaborer aussi efficacement pour déjouer la tentative russe de piratage du laboratoire de Spiez en mars dernier. A l’orée des prochaines élections fédérales de 2019, il a par ailleurs révélé surveiller les agissements de Moscou quant à de potentielles tentatives d’influence politique en Suisse.

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Le terrorisme demeure selon lui toutefois «le risque numéro un pour la Suisse». Une «menace d’importance» a d’ailleurs été traitée depuis son entrée en fonction. Les groupes Etat islamique et Al-Qaida sont ainsi toujours surveillés de près par le SRC, même si le nombre d’attentats a diminué de manière significative depuis 2017 en Europe. L’intelligence suisse n’a par ailleurs pas constaté de nouveaux départs de djihadistes vers la Syrie et l’Irak depuis 2016 – il y en a eu en tout 93 selon les dernières statistiques. «Mais leur retour, parfois avec femmes et enfants, constituera un challenge», a souligné le militaire, qui s’attend à ce que la radicalisation islamique «continue d’augmenter». Au rayon des autres menaces, Jean-Philippe Gaudin a encore cité les violences d’extrême droite, «plutôt stables», et celles d’extrême gauche, «en augmentation», citant les caillassages de boucheries par exemple.

Le SRC recrute

Face à la recrudescence des menaces et aux «lourdeurs bureaucratiques» exigées par la LRens, des «mesures urgentes» ont d’ores et déjà été prises pour que, dès avril 2019, le Centre fédéral de situation (CFS) soit opérationnel 24h/24. «Deux personnes ont été embauchées et 26 postes supplémentaires seront prochainement mis au concours dans le domaine cyber/contre-espionnage», a souligné le patron du renseignement. Et ce n’est pas tout, puisqu’un nouveau rapport sera remis au Conseil fédéral en fin d’année pour présenter les «besoins du service»: «Nous n’avons pas assez de personnel opérationnel et nous sommes sous pression, notamment de la part des cantons, a souligné Jean-Philippe Gaudin, sous le regard bienveillant du conseiller fédéral en charge de la Défense, Guy Parmelin, dont il est notoirement proche.

Au moment de faire son autocritique, le chef du SRC a estimé que son service «marchait très bien». Au sein des commissions de politique de sécurité du Parlement fédéral, son travail est de fait effectivement plutôt bien reçu. Selon le conseiller aux Etats Olivier Français (PLR/VD), Jean-Philippe Gaudin fait «de l’excellent travail», alors qu’à gauche du spectre politique, la Verte Lisa Mazzone salue «une bien meilleure transparence de son service en comparaison avec son prédécesseur». Un seul bémol, dit-elle: un style militaire très prononcé, «qui manque parfois un peu de nuance». «L’uniforme me manque», a concédé le brigadier à l’heure des questions.