Style chic décontracté, cheveu strictement gominé, visage impassible, petits fours et champagne. Le directeur d’Aminona Luxury Resort and Village (ALRV) a obtenu la semaine dernière le feu vert du Tribunal fédéral pour commencer la construction des quinze premiers immeubles au centre d’un village hôtelier de 1100 lits, devisé à 650 millions de francs, prévu près de Crans-Montana.
Cette première victoire est de bon augure pour le reste du village encore en procédure, soit 45 chalets individuels, un hôtel de 54 chambres au départ de la télécabine, 8 tours de 10 à 14 étages…
Mais depuis la naissance du projet, il y a cinq ans, certains doutent de la virginité des fonds promis par les Russes. La chute de Mirax en 2011, la première société liée au projet, fait aussi craindre que les investisseurs ne terminent pas les constructions. En cherchant le nom de Vladimir Marakutsa sur le Web, les premiers résultats renvoient à un site dédié à la mafia russe. Qui est-il et que compte-t-il faire en Valais?
Le promoteur moscovite a interrompu ses vacances pour venir à Genève donner sa version de l’affaire qu’il dirige. Il entame un discours ponctué de félicitations cyniques à l’égard de la RTS qui a diffusé dimanche un sujet sur les relations entre Mirax et Aminona Luxury Resort and Village. Il saisit chaque occasion pour attaquer les associations écologistes, parfois en les menaçant de demander des dommages et intérêts pour plusieurs millions, avant de conclure grand seigneur: «Indulgence envers les vaincus, nous tenons à rester nobles.»
Entre provocation et langue de bois: c’est au compte-gouttes que les réponses s’obtiennent.
Le Temps: Combien allez-vous investir pour cette première étape du projet et selon quel calendrier?
Vladimir Marakutsa : Nous avons déjà investi 25 millions en divers frais de procédures et d’études. Pour la construction des quinze immeubles de la zone 2, la plus chère parce que la plus étendue, nous prévoyons entre 180 et 220 millions. C’est une fourchette large parce que les coûts dépendront des technologies utilisées et de l’état du marché de l’immobilier. Nous ferons tout pour attaquer le chantier cette année, en commençant par la construction des routes et des fondations. La construction des immeubles proprement dits commencera au printemps prochain. Les premiers touristes devraient arriver en 2016.
– Avez-vous les fonds nécessaires et d’où viennent-ils?
– Depuis le début, les journalistes font l’amalgame entre ALRV et la société Mirax. En réalité, ALRV est financé par un fonds luxembourgeois, lequel est alimenté par certains anciens actionnaires de Mirax, comme Sergei Polonsky (un homme d’affaires russe, à la tête de Mirax Group jusqu’en 2011, aujourd’hui actionnaire et investisseur dans plusieurs entreprises dépendant de la holding Potok, ndlr), mais aussi par des investisseurs qui ne sont pas Russes. Les journalistes ont encore dit que Potok était une filiale de Mirax à 100%, ce qui n’est pas conforme à la réalité juridique.
– Vous étiez l’un des actionnaires de Mirax?
– Oui. J’étais leur associé.
– Etes-vous aussi actionnaire d’ALRV ou de Potok?
– Non. Je suis uniquement directeur d’ALRV, une activité qui m’occupe à plein-temps depuis cinq ans.
– Dans quelles affaires étiez-vous impliqué avant d’arriver en Valais?
– Je travaillais à Moscou dans le business d’investissement.
– C’est-à-dire?
– Dans l’immobilier.
– Parlons de votre business plan. Une fois construit, vous vendrez le village à des propriétaires qui auront l’obligation de le mettre à disposition de la société d’exploitation hôtelière selon les exigences légales?
– Nous pourrions le faire, mais ce n’est pas certain. L’hôtel va rapporter des dividendes qui permettront de rentabiliser nos investissements en dix ans. Ensuite, il est probable que nous vendrons, mais pour que des gens achètent il faut qu’ils aient une idée de la manière dont l’affaire fonctionne.
– Comment comptez-vous remplir ce complexe alors que la plupart des hôtels de montagne ferment leurs portes?
– General Hotel Managament (GHM), un groupe hôtelier international qui s’occupe du premier hôtel d’Andermatt, est prêt à collaborer avec nous. Si les hôtels valaisans ferment c’est parce qu’ils sont trop petits pour faire concurrence aux grandes structures. La tendance actuelle laisse penser que seuls les resorts vont survivre. Les habitudes des jeunes générations ont changé. Même les classes moyennes sont prêtes à travailler toute l’année pour passer dix jours dans un cinq-étoiles avec cinq piscines, des spas et des commerces divers.
– Pourquoi ne pas créer cette structure en France ou en Autriche où les frais de personnel sont moins élevés et les prix plus bas?
– L’image de marque de la Suisse est inébranlable. Vous êtes Suisse, vous ne pouvez pas comprendre la magie que représente votre pays pour un étranger.
– Avec quelles banques allez-vous travailler?
– Disons qu’elles sont nombreuses à être intéressées.
– Cela signifie que vous n’avez pas encore de contrat signé?
– Nous travaillons systématiquement avec Julius Baer pour nos projets. Et nous avons rencontré la Banque Cantonale du Valais (BCVs) à plusieurs reprises. Les montants et les conditions proposés nous conviennent.
– Avec combien de banques allez-vous collaborer?
– Il en faut trois ou quatre pour un crédit de cette ampleur afin de minimiser les risques pour nous et pour les banques.