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La rentrée politique en Suisse romande. Entre économies et dépenses, les Vaudois se tâtent

L'incertitude gagne la nouvelle législature. La gauche s'est rapprochée de la droite au Grand Conseil lors des élections cantonales. C'est toutefois une alliance hétéroclite de centristes qui risque d'arbitrer le face-à-face traditionnel entre les deux camps, notamment sur le budget.

«Les majorités vont devenir périlleuses.» Michel Mouquin, président du groupe radical au Grand Conseil vaudois, montre un brin d'inquiétude. Et pour cause. Les élections d'avril, si elles n'ont pas bouleversé le gouvernement avec l'arrivée de Jacqueline de Quattro, radicale, et de Philippe Leuba, libéral, ont en revanche resserré l'écart au parlement - réduit de 180 à 150 sièges - entre la droite et la gauche. Avec en prime un invité surprise: l'Alliance du Centre (AdC). A première vue, il s'agit d'un rassemblement hétéroclite de trois PDC, de Maximilien Bernhard (UDF), de Jérôme Christen, chef de file de Riviera Libre et de deux dissidents libéraux, passés dans le camp d'Ecologie libérale, Jacques-André Haury et Régis Courdesse. Tout ce monde a décidé de faire banc commun pour éviter l'anonymat des indépendants ou des partis trop minoritaires. Au décompte final, on a 75 voix à droite, 68 à gauche et sept à l'AdC. Suivant les dossiers, au gré des absences, le groupe centriste pourrait jouer l'arbitre, espère Jaqueline Bottlang-Pittet, présidente PDC de l'AdC, et faire basculer la décision d'un côté ou de l'autre.

L'incertitude mène au centre

Après une première séance consacrée aux pétitions et aux interventions parlementaires en souffrance, «victime de leur abondance», soupire Anne Baehler Bech, nouvelle présidente verte du Grand Conseil, l'incertitude risque de gagner la législature qui commence à l'ombre des élections fédérales. Source parfois de gesticulations improductives.

Le débat sur le budget sera révélateur. Tout le monde l'évoque. Il devrait tomber avant la fin du mois de septembre au terme de négociations serrées au sein du Conseil d'Etat entre une forte demande de nouveaux postes - «les besoins du Service de protection de la jeunesse, des prisons ou du Tuteur général sont pressants», indique Jean-Michel Favez, président du groupe socialiste - et les exigences d'équilibre financier. En attendant, il agite déjà les esprits des députés entre les appels à la rigueur de Michel Mouquin et la revalorisation des prestations souhaitée par la gauche. Personne semble en revanche se soucier du programme de législature inscrit dans la nouvelle Constitution alors qu'il risque de faire les frais d'un avenir financier incertain. Car la partie est loin d'être gagnée, comme le répète inlassablement Pascal Broulis, désormais président du Conseil d'Etat pour toute la législature, encore sous le choc de la RPT qui va coûter des dizaines de millions imprévus aux caisses de l'Etat. Dans ce climat, mi-figue mi-raisin, les deux camps adversaires devront mettre de l'eau dans leur vin et «formuler des propositions modérées», espère Jaqueline Bottlang-Pittet.

Pouvoir de nuisance

C'est que les partis bourgeois n'ont plus la mainmise sur le parlement. Leur majorité historique s'est effritée au fil des ans, malgré l'avancée de l'UDC. Voilà pourquoi la droite redoute maintenant le pouvoir de nuisance de l'AdC. Jean-Pierre Grin, à la tête du groupe UDC, rappelle comment une entente centre gauche a couronné Jerôme Christen à la présidence de la Commission des pétitions alors qu'elle semblait promise à l'un de ses hommes.

A gauche, les centristes préoccupent moins. Normal, dans le pire des cas rouges-roses-Verts ne perdront rien. Dans le meilleur, ils en profiteront. Notamment dans les dossiers sociaux et santé «à Maillard», résume Jean-Marie Surer, libéral, président sortant du Grand Conseil. Ou encore dans les discussions autour des transports et de l'énergie, où la fibre verte des centristes pourrait troubler aussi les face-à-face habituels.

Les musées des beaux-arts

Dans l'immédiat, le Grand Conseil discutera, et probablement acceptera avec quelques réserves de circonstance, le décret emballant la convention entre canton et communes qui fixe le partage de la facture laissée par la RPT.

Parmi les autres questions à l'ordre du jour, la reclassification des salaires des fonctionnaires, dont la mouture en gestation - qui prévoit des augmentations pour les cadres supérieurs, afin de combattre efficacement la concurrence du secteur privé - polarise déjà les positions. Et alerte les syndicats.

L'école, avec son lot de projets et d'avant-projets de loi - formation professionnelle, Haute école pédagogique, pour l'heure - va tôt ou tard enflammer les députés. Et puis encore le nouveau Musée des beaux-arts de Lausanne dont le canton tout entier attend le projet de décret. Il articulera le crédit d'étude nécessaire au développement du projet architectural retenu au bord du lac, à Bellerive, ainsi que le programme de réaffectation du Palais de Rumine.

On n'oubliera pas non plus de s'attaquer à la reconstruction de l'ancienne salle du Grand Conseil partie en fumée à la Cité une nuit de mai 2002. Plus tard, les réformes du système pénitentiaire, de l'ordre judiciaire ou de la police, entre régionalisation et centralisation, vont rendre encore plus aléatoires les majorités au parlement.

D'ici là, le 21 octobre, les Vaudois diront aussi s'ils veulent oui ou non «autonomiser» leur Service des automobiles et de la navigation (SAN) qui oppose une fois de plus la droite et la gauche.