L’obligation faite aux restaurateurs de relever l’identité et les coordonnées de leurs clients a provoqué un vif émoi au sein de la branche et sur les réseaux sociaux. A la demande du Conseil fédéral et de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), GastroSuisse et Hôtelleriesuisse ont inclus cette exigence dans le plan de protection sanitaire que les deux associations ont transmis mardi à leurs membres.

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Le président de GastroSuisse, Casimir Platzer, a précisé mercredi au Temps que cet ajout «était une demande du conseiller fédéral Alain Berset». Or, cette exigence a visiblement surpris le Préposé fédéral à la protection des données et à la transparence (PFPDT), qui a réagi dès mardi soir dans une prise de position plutôt critique. Le PFPDT écrit ceci: «Comme il n’est pas du ressort des restaurants privés d’assurer le suivi de personnes potentiellement infectées, l’enregistrement du nom et du numéro de téléphone d’un client comme moyen de lutte contre des infections ne peut se faire que sur une base volontaire.»

Risque d’indications fausses

Le plan de protection de la restauration et de l’hôtellerie attend des exploitants d’établissements publics qu’ils recueillent les coordonnées de tous les clients – celles de la personne qui a fait la réservation pour plusieurs convives ne suffisent pas –, c’est-à-dire les noms, prénoms, numéros de téléphone, numéro de table, date et heure de la visite. Il est précisé que ces données seront conservées quatorze jours avant d’être détruites. Elles doivent pouvoir être mises à la disposition du médecin cantonal si celui-ci le juge nécessaire pour retracer une possible transmission du virus.

Le concept sanitaire inclut une feuille de saisie des coordonnées des clients, que les restaurateurs sont invités à tenir à jour. Sur les réseaux sociaux, nombreux sont ceux qui condamnent ce «fichage». On craint que ces données ne soient transmises ailleurs et que la sphère privée ne soit pas respectée. Le conseiller national Balthasar Glättli (Verts/ZH) a déclaré au Blick qu’il attendait du PFPDT qu’il examine de plus près la validité juridique de cette disposition.

Un autre problème a été soulevé: il n’est pas demandé aux restaurateurs de vérifier eux-mêmes l’identité de leurs clients. Il y a ainsi un risque que certains convives inscrivent un faux nom ou un numéro de téléphone inexact.

Même pour un simple café?

Aux yeux de Casimir Platzer, «l’enregistrement des données des clients est problématique du point de vue de la protection des données. Nous n’en sommes guère heureux. L’application de cette mesure est un défi énorme pour les différentes catégories d’établissements. Il nous paraît aussi nécessaire de clarifier si elle vise la consommation d’un simple café au même titre qu’un repas au restaurant. Elle laisse encore beaucoup de questions ouvertes. C’est un dossier que nous traitons en priorité», explique-t-il.

Invité à réagir au commentaire du préposé fédéral, l’OFSP a fait savoir mercredi en fin de journée qu’il ne prendrait position que jeudi.

Pas de karaoké ni de machines à sous

Le plan sanitaire de la restauration et de l’hôtellerie dit que tous les clients devront être assis par groupes de quatre personnes au maximum (à l’exception des familles avec enfants), distants de 2 mètres de leurs voisins. Des parois de séparation pourront être installées en cas de besoin. Les exploitants devront mettre du savon ou des désinfectants à disposition et appliquer les mêmes règles de distance dans les toilettes.

Le personnel ne devra porter un masque que s’il n’est pas en mesure de respecter la distance minimale de 2 mètres, ce qui est souvent le cas en cuisine. Le plan ne prévoit toutefois aucune obligation à ce sujet. Les offres de divertissement, comme la musique live, le billard, le jeu de fléchettes, le bowling, le karaoké et les machines à sous ne sont pas autorisées lors de la réouverture du 11 mai.

Compromis recherché pour les loyers

Le parlement est par ailleurs en train de chercher une solution pour les loyers commerciaux. Le Conseil des Etats refusant d’accorder aux PME et aux restaurants une réduction de loyer de 70% pendant la durée de la fermeture, un compromis se dessine. Il prévoit d’accorder une remise de 5000 francs sur les loyers bruts inférieurs à 15 000 francs pendant deux mois.

Cette mesure est réservée aux entreprises et indépendants qui ont été contraints d’interrompre (ou de réduire) leur activité à la suite des décisions du Conseil fédéral. Le Conseil des Etats a avalisé ce compromis mercredi après-midi par 23 voix contre 19. Le Conseil national doit encore se prononcer. Mais il ne pourra le faire qu’en juin, alors que ce coup de pouce était conçu comme aide d’urgence.