La réponse à donner au terrorisme agite de nouveau la Suisse
Sécurité
Après l’attaque au couteau survenue ce mardi à Lugano, le spectre du terrorisme ressurgit dans le pays. La droite demande des mesures supplémentaires alors qu’un référendum de gauche veut au contraire s’opposer à une nouvelle loi sur l’internement préventif

Ce mardi, peu après 14h, une femme de 28 ans domiciliée au Tessin agressait au couteau deux autres femmes dans un grand magasin luganais avant d’être arrêtée. Fedpol a révélé ce mercredi qu’elle avait tenté de rejoindre un combattant djihadiste en Syrie en 2017, avant de se faire arrêter à la frontière turque et renvoyer en Suisse. Outrée, l’UDC demande la tenue d’une session parlementaire extraordinaire contre le terrorisme islamiste.
Paris, Morges, Vienne, Lugano
«Je condamne l’attaque terroriste survenue à Lugano. Nous sommes avec la Suisse dans ces heures difficiles. Nous donnerons une réponse commune au terrorisme islamiste en Europe et défendrons nos valeurs.» Publié ce mardi, le tweet provient du chancelier autrichien Sebastian Kurz, dont le pays a connu un grave attentat faisant quatre morts et 22 blessés début novembre. Avec une connexion helvétique: deux ressortissants suisses soupçonnés d’être liés à l’assaillant autrichien ont été arrêtés à Winterthour vingt-quatre heures après l’attaque.
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Les affaires de djihadisme sur sol suisse, ou en lien avec le pays, ont émaillé l’actualité ces derniers mois. En septembre, un Turco-Suisse de 27 ans avait également poignardé à mort un ressortissant portugais en pleine ville de Morges. Libéré en juillet après avoir été détenu pour l’incendie d’une station-service, il était surveillé pour d’éventuels liens avec le terrorisme islamiste. Cinq ans après les attentats de Paris, «une approche globale est nécessaire pour contrer le terrorisme en Europe», a déclaré la conseillère fédérale chargée de la Justice, Karin Keller-Sutter, le 13 novembre dernier, de concert avec les ministres de l’UE. Pour l’UDC cependant, il faut aller plus vite.
«Nous pouvons assurer la sécurité des Suisses»
«Je suis né à Lugano, dit Marco Chiesa, président de l’UDC. Mon fils va à l’école à un kilomètre du centre-ville. Nous sommes tous choqués. Et quand la cheffe de Fedpol, Nicoletta della Valle, dit qu’elle n’est «pas surprise», ça me fait bondir. La situation n’est pas prise assez au sérieux dans notre pays. Il nous faut des lois permettant d’avoir un réel impact. On ne résout rien avec la politique angélique mise en place par la gauche. La Suisse est un petit pays: nous pouvons et devons assurer la sécurité de la population et le faire avec détermination.
Mais pour ça il faut prendre des mesures, rapidement. Sebastian Kurz montre la voie, le Conseil fédéral doit prendre exemple.» Le parti du Tessinois soulignait déjà vendredi dernier qu’il «ne faut plus se demander si, mais plutôt quand des hommes et des femmes se feront décapiter, poignarder ou abattre par balles en Suisse». En demandant qu’une session spéciale sur le terrorisme soit organisée: «Au plus vite!» souligne désormais Marco Chiesa.
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Pour remédier à la situation, l’UDC demande avant tout les choses suivantes: «l’expulsion systématique des personnes dangereuses, voire la révocation de la citoyenneté suisse des double-nationaux, et la surveillance des communautés confessionnelles islamiques radicales. Les requérants d’asile suspects devraient aussi être placés dans des institutions fermées jusqu’à ce que leur potentiel de danger soit établi. Enfin, la venue de groupes de réfugiés via des programmes de réinstallation doit cesser s’ils proviennent de régions dangereuses.» Le parti exige que le traitement de plusieurs motions concernant le renforcement de la lutte contre le terrorisme soit accéléré. Président du Conseil d’Etat tessinois, Norman Gobbi (Lega) a également regretté ce mercredi que «le système législatif ne permette pas de placer sous contrôle, voire d’enfermer des personnes à titre préventif».
«Analyser chaque cas pour ce qu’il est»
Une nouvelle loi a été approuvée au parlement fédéral en septembre dernier pour permettre exactement ce type de mesures. La gauche a cependant lancé un référendum à son encontre, dont la récolte de signatures est en cours. Sénatrice verte genevoise, Lisa Mazzone met en garde contre la récupération politique. «Il est important d’analyser chaque cas pour ce qu’il est, dans sa complexité, et ne pas s’en servir pour justifier des mesures problématiques et dont l’efficacité est discutable, dit-elle. A Lugano comme à Morges, les assaillants présentaient des problèmes psychiques. Nous venons par ailleurs d’adopter une nouvelle loi controversée pour agir contre le terrorisme, pourquoi faire une session spéciale?»
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Délégué au Réseau national de sécurité, André Duvillard, en colloque sur la prévention de la radicalisation ce mercredi, se veut apaisant: «La Suisse a pris passablement de mesures ces dernières années. Les groupes Al-Qaida et Etat islamique ont été interdits. La peine maximale encourue pour terrorisme a été portée de 5 à 20 ans. L’incident survenu à Lugano démontre que les efforts méritent d’être poursuivis. Pas seulement au niveau sécuritaire, mais aussi en impliquant d’autres acteurs non sécuritaires comme les services psychosociaux, les prisons ou encore les éducateurs de rue. Mais on ne pourra jamais tout surveiller. 60 personnes sont actuellement observées de près, 600 sont dans le radar. Il faut avant tout continuer d’améliorer la collaboration entre les différents services, en Suisse et avec l’étranger.»