Seuls les délinquants, les tricheurs et les récalcitrants seront touchés. Lundi, le Conseil national a fini par se rallier au compromis concocté par le Conseil des Etats: il n’accepte de priver d’aide sociale que certaines catégories de requérants. La proposition choc du PLR Philipp Müller, qui visait l’ensemble des demandeurs d’asile, a été enterrée.
Aujourd’hui, seuls les requérants déboutés, censés quitter la Suisse après une décision négative, sont privés d’aide sociale et ne peuvent prétendre qu’à un minimum vital garanti par la Constitution fédérale. L’équivalent de six à douze francs par jour selon les cantons, un bout de matelas et quelques bons pour survivre. Une mesure entrée en vigueur en 2008, alors que depuis 2004, les déboutés d’office, les fameux NEM (pour «non-entrée en matière») étaient déjà placés à ce régime. Mais le conseiller national argovien Philipp Müller, président du PLR, souhaitait viser l’ensemble des demandeurs d’asile, y compris ceux qui viennent d’arriver en Suisse et susceptibles, au final, d’obtenir une réponse positive et le statut de réfugié.
La proposition de n’autoriser qu’une aide d’urgence avait provoqué une levée de boucliers parmi les défenseurs des réfugiés, et de très vifs débats au National à la session de juin, où des députés s’étaient invectivés et traités de menteurs. Au final, le National avait néanmoins adopté la proposition, par 109 voix contre 76 et 5 abstentions.
Le Conseil des Etats, grâce à un lobbying intense dans les rangs PDC notamment, a refusé d’aller aussi loin: le 12 septembre, il a opté pour le compromis adopté ce lundi par le National. De fait, la possibilité de priver d’aide sociale des requérants au mauvais comportement existe déjà, mais de manière non contraignante.
Pour la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga, la proposition de Philipp Müller revenait à une «punition collective» injustifiée, risquait d’être inefficace et contre-productive. Car précariser les migrants pourrait les pousser plus facilement dans la délinquance. Les cantons, villes et communes ont, par ailleurs, tiré la sonnette d’alarme par rapport aux problèmes d’application qu’une telle mesure poserait. Ils ont aussi dénoncé une probable augmentation des coûts à leur charge. Des arguments qui ont fait mouche aux Etats.
Le revirement du National n’est pas une surprise. Depuis plusieurs semaines, même Philipp Müller avait déclaré qu’il pourrait «vivre avec ce compromis». Lundi, Alain Ribaux a confirmé, lors des débats, que le groupe PLR se rallierait à la version des Etats. Les démocrates-chrétiens qui avaient appuyé Philipp Müller sont aussi revenus en arrière.
Mais Christoph Blocher (UDC/ZH) n’a pas abandonné le combat. Il a milité en faveur du projet initial, sans succès. Sa proposition a été balayée par 123 voix contre 59. Il a insisté sur le besoin de réduire l’attractivité de la Suisse en matière d’asile, en dénonçant l’attitude des Tunisiens. Il a aussi rappelé que les Pays-Bas vont bien plus loin que la Suisse, puisque les déboutés ne reçoivent plus le moindre sou. Balthasar Glättli (Verts/ZH) a immédiatement rectifié le tir: «Le mythe de l’attractivité en raison d’une aide sociale qui serait trop généreuse est faux! Les flux migratoires ne sont pas inspirés par ces règles. En 2004, nous avons privé les NEM d’aide sociale et le système n’a pas fonctionné.» Une allusion au fait que la mesure ne s’est pas avérée aussi dissuasive qu’espéré.
Précision importante: l’aide sociale accordée aux requérants d’asile est, en moyenne générale, inférieure de 30% à celle dont disposent les Suisses. La ministre de Justice et police, Simonetta Sommaruga, n’a cessé de le rappeler durant les débats. Le PDC tessinois Marco Romano a tenté d’inscrire dans le marbre qu’elle devait être inférieure de 40%. Mais il n’a pas été suivi.
Le débat sur la révision de la loi sur l’asile s’est poursuivi lundi au National, alors qu’une partie des mesures, comme la suppression des demandes dans les ambassades et la non-reconnaissance de la désertion comme motif d’asile, sont déjà entrées en vigueur par voie urgente, fin septembre. Un référendum a été lancé contre ces mesures. Le PS vient de décider de ne pas le soutenir.
«Le mythe de l’attractivité en raison d’une aide sociale trop généreuse est faux!»