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La résignation du ministre de l’Economie

Selon Johann Schneider-Ammann, la Suisse va au-devant de deux ou trois années difficiles à cause de la surévalutation de sa monnaie.

«Je le dis clairement: il n’y a pas de solutions miracles. Les deux ou trois années qui viennent seront difficiles… le risque d’un effondrement conjoncturel existe.» Même s’il en a appelé à la solidarité des Suisses et à leur force d’innovation et de créativité, c’est un discours plutôt pessimiste et alarmiste sur la crise du franc fort qu’a tenu le conseiller fédéral Johann Schneider-Ammann le 1er août à Saanen.

«Les moyens dont nous disposons à court terme pour affronter les problèmes, ou à tout le moins en atténuer l’impact, sont limités», a précisé le ministre de l’Economie.

«Je suis sidéré par le fatalisme de la droite qui a érigé l’inaction en dogme. Il ne suffit pas de promettre du sang et des larmes pour être un bon politicien. Il faut aussi passer aux actes», s’irrite le président du PS Christian Levrat.

Le Conseil fédéral est impuissant à intervenir et il faut que l’économie s’apprête à supporter longtemps encore les conséquences difficiles d’un franc surévalué: ce constat est pourtant partagé par les deux grandes organisations économiques suisses, economiesuisse, l’organisation faîtière des grandes industries, et l’USAM, celle des petites et moyennes entreprises.

Il est un homme qui, à Genève, ne croit pas à la fatalité. C’est l’éminent économiste Heiner Flassbeck, ancien secrétaire d’Etat allemand aux finances, aujourd’hui directeur de la Division de mondialisation et des stratégies de développement de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED).

Cet ancien conseiller de l’ex-ministre des Finances Oskar Lafontaine estime, dans une interview accordée à la NZZ am Sonntag, qu’un «pays comme la Suisse, confronté à une surévaluation, a les moyens de la stopper». Selon lui, la BNS «peut imprimer la monnaie avec laquelle elle peut acheter des devises et réinvestir celles-ci…» Selon lui, la BNS peut intervenir seule, mais elle serait bien plus persuasive avec le soutien du Conseil fédéral, «c’est seulement une question de volonté politique». Le problème, selon Heiner Flassebeck, c’est que la BNS est intervenue sans conviction. Il ne croit pas non plus à ce que cela provoque une inflation, car «la banque centrale a toujours la possibilité de retirer l’argent mis en circulation par divers moyens».

Un discours qui à l’heur de plaire aux syndicats. «A cause de la passivité du Conseil fédéral et de la BNS, la Suisse est menacée par de graves problèmes économiques», dit Peter Lauener, porte-parole de l’USS. De longue date l’économiste de l’organisation syndicale, Daniel Lampart, préconise la fixation d’un plancher à partir duquel la BNS devrait intervenir. Pour Heiner Flassbeck, le niveau devrait se trouver aux alentours de 1€ à 1fr. 30.

Le PS, promet Christian Levrat, «va continuer à marteler pour que les consommateurs profitent au moins des avantages du franc fort ou que la BNS s’oppose aux spéculateurs»

Mais à economiesuisse on refuse tout interventionnisme qui pourrait avoir des conséquences négatives par la suite. L’organisation faîtière ne s’attend pas à ce que le franc retrouve une situation stable avant plusieurs trimestres. Le juste niveau devrait se trouver aux alentours de 1 € pour 1fr. 40. Mais discipline budgétaire, faible endettement de la Suisse, croissance continue, incertitudes autour de l’euro et de la dette américaine, tous les éléments sont réunis pour que le franc reste encore longtemps une valeur refuge.

A l’USAM, Henrique Schneider, économiste, admet que le Conseil fédéral a peu de moyens classiques à disposition. Il n’attend donc pas vraiment d’interventions de sa part. Par contre, «le Conseil fédéral a un pouvoir informel, celui d’inciter, d’encourager. Il devrait davantage utiliser ce pouvoir symbolique».

Les organisations économiques attendent que le Conseil fédéral s’engage résolument pour des mesures destinées à soulager les entreprises: suppression des obstacles bureaucratiques, amélioration du climat fiscal, renforcement de la concurrence sur le marché intérieur, développement d’accords d’exportations avec la Russie, la Chine ou l’Inde, etc. Or Johann Schneider-Ammann, toujours prudent, n’a jamais utilisé ces éléments pour donner un ton plus dynamique et encourageant à ses interventions.

«Le Conseil fédéral devrait davantage utiliser son pouvoir symbolique, celui de motiver, d’inciter»