Environnement
En 2019, le mouvement avait bâti sa réputation sur d’immenses manifestations. Désormais interdit de rassemblement, il poursuit sa mission en ligne en présentant un nouveau plan d’action. En espérant bientôt pouvoir réinvestir l’espace public

Le mouvement des grévistes du climat revient. Ou du moins il essaie. Après plusieurs mois d’une absence largement causée par la crise sanitaire, les militants écologistes ont présenté ce lundi leur nouveau «plan d’action en cas de crise». Convaincus que la pandémie n’a fait que souligner l’urgence de changer de modèle de société, ils demandent des mesures rapides et drastiques en faveur de l’environnement. Privé de sa force de frappe urbaine et face à une crise sanitaire qui se mue en crise économique, le mouvement pourrait cependant devoir lutter pour retrouver le momentum dont il bénéficiait l’année dernière.
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«Interdire tous les vols en Europe»
La vidéoconférence de presse comptait cinq sympathisants, chacun chez soi, lisant tour à tour un communiqué. Les grévistes du climat n’ont pas disparu; toutefois, dépouillés de la foule et des chants militants, ils ont davantage de peine à susciter l’enthousiasme. Qu’importe, leur envie de changement est intacte: «La pandémie a montré que nous devons écouter la science afin de faire face de manière appropriée aux situations de crise, juge le préambule de leur plan d’action. Des changements majeurs sont désormais inévitables pour s’attaquer à̀ la résolution de la crise sanitaire et viser un avenir respectueux du climat.» Les propositions des grévistes sont nombreuses et concernent tous les pans de la société.
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Le secteur des investissements tout d’abord: le mouvement suggère rendre obligatoire l’installation de panneaux solaires sur toute maison dont le toit le permet et propose la création d’un «fonds climatique» doté de 50 milliards de francs. Ce dernier serait destiné à garantir la trésorerie nécessaire pour atteindre l’objectif «net zéro 2030». Un «plan concret» des institutions financières est également attendu d’ici à la fin de l’année pour atteindre cet objectif.
L’emploi ensuite: les grévistes soutiennent la création d’un «office public pour le travail vert» destiné à amortir les conséquences sociales dues à la crise sanitaire tout en s’orientant vers une société non carbonée et exigent une réduction du temps de travail hebdomadaire à 32 heures sur quatre jours ouvrables au même salaire. L’aviation en prend également pour son grade: introduction de quotas d’émissions, interdiction des vols à courte distance – «tous les vols en Europe» – et aide à la reconversion des employés du secteur. Enfin, le mouvement préconise des villes entièrement libres de voitures, la fin de l’élevage intensif ou encore la promotion d’une agriculture de proximité.
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Continuer la mobilisation sans manifestations
Le décor est planté, mais quelles sont ses chances de réussite? «Nos mesures ne sont pas utopiques, défend Steven Tamburini, militant et porte-parole de la grève du climat. Comme il n’est plus possible d’attendre, il faut faire des propositions, ce que nous faisons ici. Le plan d’action a été envoyé à tous les parlementaires. Je souligne que nous travaillons sur ce projet depuis neuf mois. Le coronavirus n’a fait que mettre en lumière les vulnérabilités de la société que nous dénoncions auparavant, tout en soulignant les contradictions des partis bourgeois qui prétendent vouloir résoudre la crise climatique tout en soutenant les compagnies aériennes sans leur demander de contreparties écologiques. Une bonne partie de la population ne veut plus de ça.» Malgré l’interdiction actuelle de se rassembler, le jeune homme se dit optimiste: «La crise peut également représenter une opportunité. C’est à nous de trouver de nouvelles manières de parler aux gens, de s’investir dans l’éducation, de renforcer les liens avec les agriculteurs.» A moyen terme, le militant concède cependant vouloir «continuer les mobilisations de masse».
Si l’interdiction de se réunir à plus de cinq pourrait bientôt sauter, la possibilité de reformer d’immenses foules pourrait cependant se faire attendre. «Alors que les partis continuent de fonctionner malgré la crise, le mouvement des grévistes du climat dépend fortement de sa capacité à occuper l’espace public, analyse Johan Rochel, cofondateur du mouvement Appel citoyen et ancien vice-président du think tank Foraus. Le coronavirus les handicape donc tout particulièrement, puisqu’ils n’existent pas dans les structures politiques traditionnelles.»
A quelques jours de l’ouverture de la session parlementaire de juin, les grévistes du climat pourraient cependant bénéficier d’un coup de pouce de la part de leurs contemporains. Ce mercredi, une «alliance pour le climat» formée des jeunesses des Verts, Vert’libéraux, du Parti socialiste mais aussi du PBD et du PDC demandera aux partis dont elle est issue de soutenir les motions les plus ambitieuses dans le cadre de la révision de la loi sur le CO2. Or, le centre de l’échiquier politique sera primordial pour obtenir des majorités sur le sujet.