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Après son passage remarqué à la Cour des comptes, il vise un poste de suppléant à la Cour de justice. La commission interpartis n’approuve pas cette candidature mais ne la combat pas non plus
Le retour très redouté du juge Daniel Devaud
Genève Après son passage remarqué à la Cour des comptes, il vise un poste judiciaire
La nouvelle suscite une très vive émotion au sein de la magistrature genevoise. L’indomptable Daniel Devaud, connu pour sa quérulence et son obstination, prépare son retour à la Cour de justice sous la forme d’une élection tacite. Certes, cette réintégration se fera par la petite porte et à doses homéopathiques puisqu’il est candidat à un poste de juge suppléant sur une liste d’Ensemble à gauche. Sa volonté initiale de siéger comme titulaire au sein de la Cour d’appel du pouvoir judiciaire – l’organe suprême de surveillance des magistrats – a essuyé un tir de barrage le contraignant à une solution de repli.
Un parcours agité
La candidature de Daniel Devaud provoque un émoi certain dans la juridiction, qu’il avait quittée en bien mauvais termes à l’automne 2011. Sa désignation à la chambre administrative refusée par le plénum de la Cour de justice pour des raisons d’équilibre des sensibilités politiques, il avait recouru tout en livrant ses états d’âme et ses analyses à grands renforts de courriels internes. Cette débauche de messages lui avait valu une dénonciation au Conseil de surveillance de la magistrature (CSM). Procédure qui a finalement été classée en raison de son départ pour la Cour des comptes.
Elu par le peuple pour devenir l’un des auditeurs des collectivités genevoises, Daniel Devaud s’est rapidement distingué par son côté formaliste et pointilleux. Ce que l’histoire retiendra surtout, c’est le seau d’eau dont il a été arrosé par son collègue Stéphane Geiger et les remous nés de cette querelle qui ont motivé la création d’une commission d’enquête parlementaire.
Pour avoir transmis des documents relatifs à un audit au parlement, Daniel Devaud a vu son bureau perquisitionné et son immunité levée à la demande du Ministère public. Il a lui-même quitté la Cour des comptes avant la fin de son mandat, mais cette affaire le poursuit. «La procédure pour violation du secret de fonction est toujours en cours», précise le procureur général, Olivier Jornot, qui instruit le dossier.
Début janvier 2014, Daniel Devaud a refait parler de lui en visant en vain un siège de représentant de la Ville au conseil d’administration de la Banque Cantonale de Genève. Etablissement dont il avait lui-même instruit partie de la retentissante débâcle en laissant un souvenir impérissable aux prévenus et à leurs avocats.
Solution diplomatique
Les élections générales du pouvoir judiciaire se profilant, Daniel Devaud, 61 ans, a saisi l’occasion de retrouver le chemin du palais. «Je n’ai pas d’autre motivation que celle de rendre la justice», explique l’intéressé. Les tensions nées de sa candidature ne le perturbent guère. «Je garde l’esprit de bonne harmonie qui m’a toujours animé.» Il en faudra plus pour rassurer la magistrature.
La commission interpartis, chargée de concocter une liste de candidats tout en maintenant un subtil équilibre entre compétence et représentation partisane, a refusé de le soutenir, mais ne le combattra pas non plus. Une «solution diplomatique», selon l’expression de l’avocat Werner Gloor (Ensemble à gauche), a été trouvée pour éviter une confrontation entre deux candidats qui aurait entraîné l’élection de toute la juridiction devant le peuple.
Le 32e poste de juge suppléant à la cour, déjà vacant, a ainsi été abandonné au seul Daniel Devaud, qui se présente sur une liste d’Ensemble à gauche. Il est également dispensé – dispositions transitoires obligent pour les suppléants – d’un préavis du CSM sur ses qualités et ses défauts. L’heure est à la résignation en attendant la prochaine étincelle.