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Face à la perspective d’un rejet de la réforme fiscale, les esprits s’agitent – dans la discrétion – pour envisager une nouvelle version

Avec des sondages présageant un vote très serré (45% de oui, 44% de non) sur la troisième réforme de l’imposition des entreprises, les responsables des finances fédéraux et cantonaux ne peuvent plus esquiver la question: quel plan B en cas de rejet populaire de la RIE III le 12 février?
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La réforme sur laquelle le peuple a été appelé à se prononcer résulte d’un long bras de fer entre la Suisse d’une part, l’Union européenne et l’OCDE de l’autre. Il a abouti en 2014 sur un accord, fixant au 1er janvier 2019 le délai imparti à la Suisse pour supprimer les statuts fiscaux spéciaux et se mettre en conformité avec les règles internationales. En cas de refus par le peuple, il ne restera donc qu’une année et dix mois et demi à la Suisse pour élaborer une nouvelle version de la réforme qui satisfasse les exigences internationales. Le temps presse.
Nous n’avons pas de plan B. Nous n’avons jamais envisagé une suite en cas d’échec
Pourtant, auprès des administrations des finances cantonales et du Département fédéral des finances, la question de l’élaboration d’un plan B ne paraît pas à l’ordre du jour. «Nous n’en avons pas. Nous n’avons jamais envisagé une suite en cas d’échec», martèle Charles Juillard, ministre jurassien et président de la Conférence des directeurs cantonaux. Et de renvoyer la balle au Conseil fédéral, qui sera le cas échéant chargé de présenter un nouveau projet.
«Deux à trois ans» pour un nouveau projet
Sa réalisation risque de prendre beaucoup de temps, souligne un porte-parole du Département fédéral des finances. Deux à trois ans pour élaborer un nouveau message à présenter aux Chambres, plus le temps nécessaire à ces dernières de se prononcer sur l’objet. A quoi s’ajoute encore le délai référendaire… Le tout devrait prendre trois à quatre ans, portant le bouclement du dossier bien au-delà du 1er janvier 2019. Le seul plan B rendu public par Ueli Maurer, chef du département, est la promesse d’un programme d’économies drastiques sur dix ans.
En décembre de cette année, si les choses vont vite, les Chambres pourraient approuver la nouvelle version
Du côté des référendaires au contraire, l’on juge que le plan B pourrait être mis rapidement en place. «En décembre de cette année, si les choses vont vite, les Chambres pourraient approuver la nouvelle version», affirme le conseiller national socialiste vaudois Roger Nordmann.
Sa formule? Repartir du projet originel du Conseil fédéral élaboré par Eveline Widmer-Schlumpf – qui s’est montrée critique sur la teneur du projet soumis au vote –, et donc éliminer un certain nombre d’instruments fiscaux introduits lors des débats parlementaires: les déductions des intérêts notionnels sur les fonds propres en excès (NID) sont en première ligne.
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Le socialiste souhaite aussi une réduction de la «patent box» (mais pas sa suppression), ainsi qu’un relèvement de la taxation des dividendes à 70% au lieu des 60% prévus par le projet. De manière globale, les socialistes exigent la réduction des pertes de substance fiscale et l’amélioration des compensations.
Par un communiqué publié mercredi matin, Ensemble à gauche et SolidaritéS exigent que la nouvelle version établisse une «limitation de la concurrence fiscale intercantonale» et «le maintien des recettes actuelles de l’imposition des personnes morales».
Il a fallu cinq ans de négociations
Jouent-ils avec le feu? «Reconstruire un consensus parmi un nombre aussi élevé de partenaires ne sera pas si facile», rétorque Charles Juillard, qui rappelle que la version soumise au vote a nécessité cinq ans de négociations entre les diverses parties prenantes. «Or, deux ans, c’est court!» ajoute-t-il.
Ce délai au 1er janvier 2019 ne paraît toutefois pas inscrit dans le marbre. «L’Union européenne a conscience des efforts produits par la Suisse pour se tirer du contentieux fiscal et moderniser sa fiscalité des entreprises», observe l’avocat suisse Jean Russotto à Bruxelles, grand spécialiste des questions bilatérales. La Confédération devrait ainsi gagner du temps pour parvenir à une solution acceptable pour tout le monde. A un prix, toutefois: un durcissement des échanges entre Berne et la Commission sur d’autres dossiers en cours, la libre circulation des personnes et le projet d’accord institutionnel.
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