Sécuriser le fonctionnement des numéros d’urgence, une préoccupation en Suisse aussi
Télécommunications
La panne qui a paralysé les appels aux services d’urgence en France cette semaine rappelle qu’en Suisse également la possibilité d’une panne aux conséquences dramatiques inquiète

Un problème technique survenu mercredi soir en France au sein de l’infrastructure du réseau téléphonique de l’opérateur Orange pourrait être lié à la mort d’au moins quatre personnes dont un jeune enfant, selon un bilan «encore très provisoire» avancé par l’Agence France-Presse. En cause, les numéros d’urgence permettant de joindre le Samu, la police ou les pompiers, qui ont été quasiment inaccessibles pendant environ sept heures, sur l’ensemble du territoire français.
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Ces «dysfonctionnements graves et inacceptables», selon le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, qui ont mené à l’annonce d’une enquête interne «approfondie» chez l’opérateur Orange et aux «plus vives excuses» de son PDG, ne sont pas un événement si isolé qu’on pourrait le croire. En janvier dernier, les numéros d’urgence belges avaient ainsi été perturbés toute une nuit en raison d’une panne informatique. La Suisse n’est pas épargnée non plus. Le 12 février 2020, le 117, le 112, le 144 et le 118 étaient restés indisponibles pendant plus d’une heure et demie dans 11 cantons, en raison d’un «dysfonctionnement inattendu» chez Swisscom, à la suite de «travaux de maintenance», sans conséquences dramatiques heureusement.
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Depuis, Swisscom, qui indique investir environ 1,6 milliard de francs par an dans l’expansion et la maintenance de son réseau, assure avoir procédé à «une analyse approfondie des causes des pannes de réseau et pris toutes les mesures nécessaires pour réduire au minimum le risque».
L’opérateur indique qu’il a désormais mis en place pour l’ensemble des centres de contrôle «un routage dynamique» – autrement dit, l’appel emprunte le réseau d’un autre opérateur si d’aventure celui auquel l’appelant est abonné venait à défaillir. Même si «le risque zéro n’existe pas», une porte-parole de Swisscom souligne que pour que les urgences ne soient plus accessibles, «il faudrait que tous les réseaux fixes et mobiles soient coupés», ce qui semble peu probable. En France cependant, ce sont des équipements d’Orange présents sur six sites différents, censés prendre le relais entre eux en cas de défaillance, qui sont tombés en panne en même temps, a expliqué le directeur de l’entreprise au Monde. Le problème serait survenu sur les équipements «assurant le passage des communications par internet vers le réseau traditionnel», selon le quotidien français. La panne de l’année dernière en Suisse aurait eu une origine semblable, selon la RTS.
Vers «une maîtrise technique du système»
Le dysfonctionnement helvétique, qui avait été suivi, en l’espace de quelques semaines, d’autres interruptions de certains services, avait alerté à Berne, notamment au sein de la Commission des transports et des télécommunications du Conseil des Etats, qui avait commissionné un rapport à l’Office fédéral de la communication (Ofcom). Ce document publié en juin 2020 souligne qu’«en comparaison internationale, la Suisse dispose de réseaux de télécommunication bien développés, qui suivent des normes de qualité élevées». Selon le rapport, le réseau de Swisscom souffre cependant d’un «degré de complexité particulièrement élevé qui peut influer sur le risque d’erreur». L’Ofcom recommande en conséquence «d’examiner s’il faut prévoir une maîtrise technique de système pour le traitement sans faille et de qualité des appels d’urgence», c’est-à-dire la mise en place d’un nouveau système.
La crainte d’un scénario catastrophe persistant, plusieurs motions demandant de mieux assurer ce service et de l’adapter à la numérisation de la société ont été déposées au parlement cette année. Au final, un texte chargeant le Conseil fédéral «de créer les bases légales» pour cette maîtrise technique a été adopté par les Etats en mars, puis par le Conseil national ce jeudi 3 juin. Interrogée à ce sujet, Swisscom se dit «prête à collaborer au développement du système», tout en précisant que «l’orchestration de la régulation des appels d’urgence est essentiellement une tâche étatique qui ne peut être réalisée que par une autorité» et qu’elle «ne dispose pas des compétences nécessaires pour le faire».