A Genève, les deux conseillers aux Etats de gauche soutiennent qu’ils sont les dignes représentants de leur canton. «Avec Robert Cramer, nous avons relayé, à Berne, la voix des Genevois-es», avance la socialiste Liliane Maury Pasquier sur son propre site. Mieux. Sur leur plate-forme commune, les deux sortants ont choisi avec habileté de mettre en avant les 14 objets de votation fédérale qu’ils ont soutenus à la Chambre haute et qui ont été acceptés par «la population genevoise».
Du côté du canton de Vaud, l’argumentaire demeure à peu près identique. «A Berne, Géraldine Savary et Luc Recordon se sont engagés dans l’intérêt de leur canton», apprend-on de la vidéo promotionnelle des deux sénateurs. Candidats sortant eux aussi, ils revendiquent un «bilan au service des Vaudois».
Quid des slogans?
Mais au-delà de la pure formule de campagne, ces slogans correspondent-ils à une quelconque réalité? Pour le savoir, Le Temps a épluché les votes des deux tandems de gauche sur tous les objets de votation fédérale soumis aux électeurs lors de la dernière législature 2011-2015 (disponibles dans leur intégralité sur notre site).
Il ressort de cet examen que les quatre conseillers aux Etats ont voté en symbiose avec les électeurs genevois entre 6,75 et 7 fois sur 10. Dans le détail de ces 41 scrutins, Robert Cramer et Liliane Maury Pasquier ont voté respectivement 28 et 29 fois comme la majorité des électeurs genevois. Si la socialiste s’est abstenue sur l’abrogation du service militaire obligatoire, l’écologiste ne s’est pas prononcé sur l’abolition des forfaits fiscaux. Quant à la socialiste Géraldine Savary et le Vert Luc Recordon, 28 de leurs votes correspondent au choix des électeurs vaudois.
L'«autre bilan» du PLR
Ces chiffres suffisent-ils à considérer les quatre sénateurs comme étant représentatifs de leur canton respectif? Certainement pas aux yeux de la droite. Et plus particulièrement à ceux du Parti libéral-radical qui lance deux outsiders – Benoît Genecand et Olivier Français – à l’assaut des bastions sénatoriaux qu’occupent les gauches valdo-genevoises depuis huit ans. Et s’il fallait encore une preuve du peu de confiance qu’accordent les libéraux-radicaux au bilan de leurs adversaires, il suffit de se procurer «l’autre bilan» que le parti fait allègrement circuler sur les réseaux sociaux. Il veut mettre en évidence le fait qu’un conseiller aux Etats libéral-radical aurait obtenu un bien meilleur score en termes de représentativité. Soit environ 75,6% de votes similaires avec leurs électeurs.
«Mais cela suppose que ce dernier suive les recommandations de vote de son parti, ce dont je doute, tacle Liliane Maury Pasquier. Il faut comparer ce qui peut l’être.» Sur son écart de vote qui l’éloigne de son canton, la socialiste assume et qualifie le raisonnement de ses adversaires de «bêtement mathématique». «Sur les objets de votation très marqués à gauche, il nous arrive parfois de nous différencier de la majorité des électeurs. En même temps, je vois mal comment certains pourraient venir nous reprocher d’être à gauche. D’abord parce que nous le sommes, ensuite parce qu’une majorité de Genevois nous a choisis pour les représenter au Conseil des Etats.»
Un calcul statistique relativisé
Son colistier Robert Cramer relativise lui aussi le calcul statistique: «Certaines votations n’ont pas le même poids que d’autres, comme l’initiative 1:12 sur les salaires minimums qui voulait volontairement susciter un débat de société. Sur des enjeux plus capitaux, comme l’initiative «Contre l’immigration de masse» ou le paquet d’investissement ferroviaire FAIF, nous avons été là pour défendre les intérêts de notre canton et de la Suisse.»
Candidat genevois à la Chambre haute, le libéral-radical Benoît Genecand persiste à fustiger l’hégémonie de gauche à la Chambre haute. «Elire conjointement un membre de l’Entente et de l’Alternative aux Etats donnerait la voix à près de 70% des Genevois. Voilà ce que j’appelle une vraie représentativité.» Pour celui qui est déjà assuré de pouvoir siéger au Conseil national, c’est aussi en termes de compétence des candidats qu’il faut envisager l’élection à la Chambre des cantons. «Je crains que le tandem Maury Pasquier-Cramer ne soit pas le meilleur atout de Genève pour relever les défis majeurs de la prochaine législature. Sur des dossiers comme la réforme de l’imposition des entreprises, la prévoyance sociale et la mobilité, j’apporte des réponses qu’attend une majorité de la population.» «Une majorité? Je ne crois pas qu’une majorité d’électeurs soit favorable à la retraite à 67 ans, réplique Robert Cramer. Pour ma part, en deux législatures, je ne me suis jamais senti en opposition avec le gouvernement genevois», conclut le conseiller aux Etats qui devra attendre ce dimanche 8 novembre pour savoir si les électeurs partagent son constat.