Polémique
L’humoriste s’est produit lundi au théâtre de Marens à Nyon. Près de 460 spectateurs ont attendu l’ouverture des portes sous l’œil de la police et des nombreux médias
Il est 18h30 lorsqu’un monospace blanc immatriculé dans le canton d’Appenzell Rhodes-Intérieures s’engouffre dans la cour déserte du théâtre nyonnais de Marens. L’humoriste Dieudonné sort précipitamment du véhicule, nous jette un regard fuyant, à peine masqué par une capuche avant de se précipiter dans la salle, dans laquelle il se produit à deux repris ce lundi soir. La scène ne durera pas plus de 10 secondes. Et en dit long sur la profonde inimitié de l’artiste envers les médias. De son interdiction d’entrée au Royaume-Uni, annoncé lundi, Dieudonné M’bala M’bala n’en dira rien. Lèvres closes, même après la fin de son spectacle, peu après minuit. «Ils sont fous», nous lancera-t-il seulement avant de repartir de la même manière dont il était arrivé. En trombe.
A quelques dizaines de mètres de la salle de spectacle, la Cicad – Coordination intercommunautaire contre l’antisémitisme et la diffamation – tient son stand, comme elle l’avait promis. Il n’est pas question de laisser l’artiste le plus contesté de l’hexagone se donner en spectacle sans réagir, affirme son secrétaire général, Johanne Gurfinkiel. Sous l’œil d’une garde rapprochée suffisamment visible, l’organisation distribue des tracts pour dénoncer les propos tenus par Dieudonné.
Peu après 19h00, quelque dizaines de spectateurs se regroupent devant les portes du théâtre, toujours closes. L’un d’eux n’est pas venu les mains vides. Il brandit à qui veut le voir, un ananas, symbole de l’hymne du Camerounais intitulé «Shoananas», dont le but semble de toute évidence de se moquer de la Shoah. La foule est de plus en plus nombreuse. Les spectateurs de plus en plus questionnés par la vingtaine de médias, dont certains étrangers, qui couvrent l’événement. Une poignée d’opposants à l’artiste tentent de dialoguer avec eux, âgés pour la plupart entre 20 et 30 ans. Sans succès. «Dieudonné n’est pas antisémite», disent-ils tous. «On vient ici pour rire», explique Nadir, 21 ans. Attiré par l’interdiction du nouveau spectacle (qui ne sera pas joué ce soir), Romain, 25 ans veut «voir si Dieudonné» va déraper.
Dieudonné donnera une deuxième représentation vers 21h30. Toujours sous les ovations d’un public conquis ou curieux. Si les quenelles – un geste présenté par les partisans de l’humoriste comme «anti-système» mais considéré par beaucoup comme un salut nazi inversé ou antisémite – ont fusé, les remarques sur les sujets sensibles étaient pour ainsi dire absentes.
Sous protection policière, le spectacle s’est déroulé sans incident particulier. Et le dialogue entre opposants et partisans s’est révélé ce soir particulièrement infécond.