Bloqué depuis huit jours dans la zone de transit de l’aéroport de Cheremetievo de Moscou, l’ancien consultant de la National Security Agency (NSA) Edward Snowden aurait demandé l’asile à la Suisse ainsi qu’à vingt autres pays, affirme le site WikiLeaks. Des requêtes sont aussi adressées à l’Allemagne, l’Autriche, l’Espagne, la Finlande, la France, l’Irlande, l’Italie, la Norvège, les Pays-Bas et la Pologne.

Ces demandes, ajoute WikiLeaks, ont été remises au consulat russe de l’aéroport de Moscou-Cheremetievo qui a commencé à les diffuser auprès des ambassades concernées à Moscou.

A Berne, l’Office fédéral des migrations (ODM) déclare mardi n’avoir reçu aucune demande allant dans ce sens jusqu’à maintenant. Selon le droit helvétique, une demande d’asile ne peut être déposée que directement dans le pays ou à la frontière.

Faire une demande auprès d’une ambassade suisse n’est plus possible avec les mesures urgentes lancées fin septembre 2012 et désormais établies dans la révision de la loi sur l’asile approuvée le 9 juin dernier. Mais si sa vie est menacée, un individu peut encore obtenir un visa humanitaire auprès d’une ambassade suisse.

La France et la Chine ont indiqué n’avoir pour l’heure reçu aucune demande officielle. L’Irlande elle «ne commente pas les cas individuels»

La Pologne, de son côté, a indiqué qu’elle refusait d’accorder l’asile à l’ex-analyste. Car sa demande «ne respecte pas les conditions formelles» a indiqué sur Twitter le ministre polonais des Affaires étrangères Radoslaw Sikorski. Et d’ajouter que «même si elle les respectait, il ne lui donnera pas de recommandation positive.» L’Inde l’a aussi rejeté.

De son côté, le gouvernement espagnol n’examinera pas la demande d’asile présentée, expliquant que cette requête n’était pas valide car elle n’avait pas été déposée par une personne se trouvant sur le territoire espagnol. La Finlande, l’Autriche, la Norvège ont refusé sa demande pour la même raison.

Des requêtes ont également été déposées auprès de la Bolivie, du Brésil, de la Chine, de Cuba, de l’Inde, du Nicaragua et du Venezuela. S’y ajoutent l’Islande et l’Equateur, auprès desquels des dossiers avaient déjà été déposés. L’Inde a indiqué mardi avoir reçu une requête qu’elle a rejetée.

Demande à la Russie retirée

Par contre, Edward Snowden a renoncé à demander l’asile politique en Russie, a indiqué Dmitri Peskov, le porte-parole du Kremlin: «en apprenant hier la position de Poutine sur les conditions nécessaires pour rester en Russie, il a renoncé à sa demande.»

Vladimir Poutine avait dit lundi que Snowden pouvait rester en Russie uniquement s’il cessait «ses activités visant à faire du tort» aux Américains.

«Comme il se considère comme un défenseur des droits de l’homme, il n’a manifestement pas l’intention de cesser ces activités, c’est pourquoi il doit choisir un pays où aller, et s’y rendre», avait ajouté le président russe.

Dmitri Peskov a par ailleurs déclaré que l’ex-informaticien ne pouvait être remis aux Etats-Unis où la peine de mort est en vigueur.

«Aucun pays ne peut livrer Snowden à un autre pays comme les Etats-Unis où est appliquée la peine de mort», a-t-il encore dit.

Crainte d’être persécuté

Dans sa lettre de demande d’asile envoyée en Pologne, Edward Snowden se justifie en affirmant qu’il «risque d’être persécuté» voire même d’être tué par les Etats-Unis s’il devait y retourner.

«Je vous écris pour demander l’asile (...) en raison du risque d’être persécuté par le gouvernement des Etats-Unis et ses agents pour avoir décidé de rendre publiques de graves violations de la Constitution» par ce gouvernement, écrit-il dans cette missive adressée au ministère polonais des Affaires étrangères par fax et divulguée à la presse.

Evoquant le procès en cours du soldat Bradley Manning qui, lui aussi, a diffusé des documents secrets américains, Snowden estime qu’il risque «la prison à vie» en raison des charges qui pourraient être retenues contre lui par les autorités judiciaires.

«Compte tenu de ces circonstances, il est improbable que je bénéficie d’un procès équitable ou d’un traitement approprié avant ce procès», affirme-t-il, ajoutant qu’il risquait «la prison à vie ou même la mort».

Vive polémique en Europe Dans une déclaration postée sur WikiLeaks, la première depuis son départ de Hong Kong il y a huit jours, Edward Snowden a également accusé le président américain Barack Obama de «faire pression sur les dirigeants» des pays auprès desquels il cherche protection. Les révélations d’Edward Snowden sur l’ampleur de la surveillance électronique exercée par les Etats-Unis dans le monde suscitaient une vive polémique lundi en Europe après la publication d’informations sur l’espionnage des communications de l’Union européenne. Pris de court par la colère des Européens après ces révélations d’écoutes et de surveillance des institutions européennes par l’agence de renseignement NSA, les Etats-Unis cherchent à relativiser l’affaire. Washington continue d’«évaluer» les accusations de M. Snowden, relayées par des médias européens, et les Etats-Unis «communiqueront (ensuite) de manière appropriée avec leurs alliés», a fait savoir lundi M. Obama, en visite en Tanzanie. «Un coup terrible aux relations» La France ne peut «pas accepter ce type de comportement» qui doit cesser «immédiatement», a réagi le président français François Hollande, premier chef d’Etat à s’exprimer aussi vivement sur les soupçons d’espionnage américain. Le président social-démocrate du Parlement européen Martin Schulz a déclaré que de tels faits porteraient «un coup terrible aux relations entre l’Union européenne et les Etats-Unis». «Le Parlement européen ne doit pas être traité comme un ennemi», a-t-il souligné. «S’il est vrai que les Américains ont espionné leurs alliés, il y aura des dégâts politiques. Cela dépasse de loin les besoins de sécurité nationale. C’est une rupture de confiance et on est parti pour quelque chose de très sérieux», a confié un responsable européen. En Allemagne, un porte-parole de la chancelière Angela Merkel a estimé que les Etats-Unis devaient «rétablir la confiance» avec leurs alliés européens. «Une discussion aura bientôt lieu» avec la chancelière, a-t-il précisé.

L’Allemagne, cible privilégiée C’est un hebdomadaire allemand, Der Spiegel, qui a révélé dimanche que l’agence américaine NSA espionnait des bâtiments officiels de l’Union européenne aux États-Unis, mais aussi à Bruxelles depuis de longues années. Au sein de l’UE, l’Allemagne est, selon l’hebdomadaire, une cible privilégiée. Le Spiegel fonde ses accusations sur des documents confidentiels dont il a pu avoir connaissance grâce à l’ancien consultant de la NSA Edward Snowden, auteur de révélations explosives sur le programme américain d’espionnage électronique. Le quotidien britannique The Guardian a écrit dans la foulée que la France, l’Italie et la Grèce figuraient parmi les 38 «cibles» surveillées par l’agence américaine.