La science, le Conseil fédéral, l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), les gouvernements cantonaux inspirent confiance à la population. C’est l’un des principaux enseignements du sondage effectué en ligne par l’institut gfs.bern pour le compte du Temps, du Blick et du Corriere del Ticino entre le 22 et le 27 avril. Néanmoins, cette confiance s’est légèrement érodée lorsque l’on est entré dans la seconde phase, celle du déconfinement. L’un des enjeux de la sortie de crise consistera à éviter la polarisation de la société suisse.

Plus de 25 000 personnes de plus de 16 ans ont participé à l’enquête (marge d’erreur de 4%), dont plus de 22 000 en Suisse alémanique et seulement 2500 en Suisse romande. L’institut gfs.bern s’est efforcé de compenser ce déséquilibre en procédant à une pondération combinant différents critères, explique l’un de ses codirecteurs, Lukas Golder. C’est important dans la mesure où les semaines écoulées ont démontré que les Alémaniques et les Latins avaient une perception différente de la crise et de ses conséquences.

Notre éditorial: Les dangers d’une société divisée face à la sortie de crise

80% d’avis favorables au gouvernement

Les personnes ayant donné leur opinion accordent de bonnes notes à la gestion de la crise par la science (80% d’avis favorables), le Conseil fédéral (78%), l’OFSP (78%) et le gouvernement de leur canton (74%). Comme d’autres instituts de sondage, gfs.bern constate une légère érosion de l’appréciation que les Suisses font de l’action du Conseil fédéral sur la durée. Mais il n’y a pas de renversement de tendance, relativise-t-il.

L’institut en tire toutefois deux enseignements. Premièrement, il est apparu sur la durée que la science n’était pas unanime, que les chiffres étaient controversés et que les risques économiques étaient élevés. Deuxièmement, dès le début de la crise, une personne sur cinq a porté un regard critique sur le Conseil fédéral, ce qui n’est pas à négliger. «Les autorités ne parviennent pas à convaincre une partie de la population. Dans le cadre de l’accélération du processus de déconfinement, il faudrait éviter de polariser la société», résument les auteurs de l’étude.

Retrouvez nos principaux articles sur le virus

La Chine et les Etats-Unis mal notés

Le traitement de la crise par les médias reflète cette situation: près de deux Suisses sur trois (63%) estiment qu’ils ont bien fait leur travail, mais 37% pensent le contraire. Selon Lukas Golder, ce gros tiers inclut les personnes systématiquement critiques envers les autorités et les médias et d’autres qui auraient attendu un ton plus critique au début de la pandémie.

De mauvaises notes sont clairement attribuées à d’autres pays et organisations internationales. L’OMS recueille 50% d’opinions positives et autant d’opinions négatives, l’Italie 60% d’avis critiques, l’Union européenne 63%, la Chine 86% et les Etats-Unis… 92%.

Les amis nous manquent

Les enquêteurs ont posé aux internautes des questions personnelles. En moyenne, 87% des sondés disent avoir plus ou moins bien respecté les instructions de l’OFSP, mais ce taux descend à 69% dans la frange de la population (15%) réfractaire aux appels lancés par la science, le Conseil fédéral et l’OFSP.

Globalement, 87% disent plutôt bien s’en sortir et 80% s’estiment correctement informés. Qu’est-ce qui est le plus difficile à supporter dans cette phase de semi-confinement? 89% répondent que c’est l’absence de contacts directs avec les amis et les collègues. Les manifestations sportives leur manquent moins (36% seulement). Les avis sont partagés à propos du voisinage: 33% disent avoir renforcé leurs relations avec leurs voisins alors que 42% affirment que rien n’a changé. Et seuls 29% pensent que le Covid-19 est comparable à une grosse grippe, 64% étant d’avis contraire.

La vie sociale longtemps restreinte

Qu’attendent les personnes sondées pour la suite? 73% pensent que la vie sociale restera restreinte pendant au moins douze mois, 55% imaginent que les voyages à l’étranger seront impossibles jusqu’à la fin de l’année, 40% souhaitent que les piscines soient accessibles cet été et 33% ont supposé que le port du masque serait obligatoire. Ce ne sera pas le cas, la protection faciale faisant plutôt l’objet d’une recommandation.

Seuls 27% voient l’économie se relever rapidement. 49% pensent que cela prendra du temps. L’équilibre entre les arguments économiques et les intérêts sanitaires est une autre question centrale du sondage. Les avis sont partagés. 43% jugent que les dégâts économiques sont excessifs alors que 15% seulement sont d’avis que les dommages occasionnés à la santé sont trop importants. Mais 42% estiment que les mesures prises pour contenir la pandémie respectent l’équilibre entre les intérêts économiques et sanitaires.

Les restaurants divisent

La réouverture des restaurants le 11 mai divise la population. Effectué avant la décision du Conseil fédéral, le sondage montre que 39% souhaitent une réouverture anticipée alors que 40% s’y opposent. «Cela montre que l’ouverture le 11 mai sera délicate. La fréquentation pourrait être limitée. Ceux qui craignent une deuxième vague estiment que c’est trop rapide», analyse Lukas Golder.

L’institut gfs.bern a synthétisé les résultats de l’enquête en répartissant les 25 000 participants en cinq catégories. Les deux premiers groupes réunissent les citoyens plutôt compréhensifs envers les autorités (32%) ou prudents dans leur façon de vivre la crise (22%), la distinction entre les deux tenant principalement à la perception des dommages causés à l’économie et au rythme de la relance. Ces profils sont majoritaires dans toutes les régions du pays: 51% en Suisse alémanique, 53% en Suisse romande et 59% en Suisse italophone. Ils sont aussi majoritaires parmi les femmes (63%) et englobent un peu moins de la moitié (47%) des hommes.

Le troisième bloc représente environ un quart de la population, principalement jeune, favorable à une réouverture rapide des restaurants, plutôt hostile aux prescriptions mais respectueuse des règles sanitaires. Le quatrième cercle ne réunit que 6% de la population. Il s’agit de citoyens qui vivent plutôt mal les restrictions commerciales et l’isolement. Quant à la dernière catégorie, il s’agit des 15% réfractaires évoqués plus haut. En conclusion, l’enquête relève que la nécessité de combattre la pandémie et d’éviter une deuxième vague reste prioritaire, mais constate que les regards critiques sont devenus plus nombreux.