Migration
Didier Burkhalter s’efforce de démontrer que ce ne sont pas des juges étrangers qui trancheront les litiges. Il peine à convaincre

Les regards se tournent désormais vers la Commission de politique extérieure (CIP) du Conseil national, qui se penchera jeudi sur la clause de sauvegarde – unilatérale – et la définition de la préférence nationale à l’embauche. Elle s’appuiera sur les recherches du professeur Michael Ambühl, qui a élaboré un modèle permettant de limiter temporairement l’immigration dans une branche et une région soumises à une forte pression migratoire. Pour la première fois, Johann Schneider-Ammann a manifesté dimanche une certaine sympathie pour ce modèle dans la presse dominicale.
Le débat est cependant perturbé par l’exigence européenne de conclure un accord institutionnel. Il s’agit de fixer un cadre à l’ensemble des relations bilatérales et aux négociations futures sur d’autres accords comme l’électricité ou les services financiers. Pour Didier Burkhalter, la nécessité de faire progresser les deux dossiers en parallèle demeure. Il estime cependant qu’il n’y a «pas de lien juridique» entre eux et la libre circulation doit être réglée en priorité, insiste-t-il.
Le point délicat est le recours à l’arbitrage de la Cour de justice de l’UE (CJUE) en cas de différend. Didier Burkhalter affirme que les interprétations de la CJUE ne seront pas des décisions définitives. «A la fin du processus», ce sont les comités mixtes Suisse-UE qui trancheront. Une note du DFAE explique le mécanisme de l’arbitrage. S’il y a litige entre Berne et Bruxelles sur l’application d’un accord, le comité mixte composé de représentants des deux camps se détermine. Si aucune solution n’est trouvée, la CJUE est appelée à interpréter le droit.
L’affaire est ensuite réexaminée par le comité mixte, qui cherche une solution politique. Plusieurs scénarios sont envisageables: modification de la pratique suisse, renégociation de points spécifiques (exceptions, périodes transitoires), sanctions (restrictions d’accès au marché, par exemple) ou suspension de l’accord. C’est sur ces «mesures de rééquilibrage» que les négociations butent encore.
Le tribunal arbitral de La Haye?
Le recours à la CJUE peine à convaincre. L’UDC en fait le pilier de son combat contre les juges étrangers. Le PDC a proposé de s’en remettre plutôt à la Cour de l’AELE. Le projet de Didier Burkhalter dérange dans ses propres rangs. «Il faut bien voir que cette idée n’a aucune chance d’être acceptée», avertit Karin Keller-Sutter (PLR/SG), membre de la Commission de politique extérieure du Conseil des Etats. Samedi, le PLR a demandé dans une résolution que la question institutionnelle soit «traitée séparément» de la libre circulation.
Le forum de réflexion Foraus suggère une autre piste. Il propose de remplacer la CJUE par la Cour permanente d’arbitrage (CPA) de La Haye. Son auteur, le juriste Daniel Högger, relève que l'«UE s’est engagée de manière volontaire à accepter un tribunal arbitral dans le cadre de nombreux traités avec des Etats tiers». Il cite l’exemple du litige opposant les îles Féroé, danoises, à l’UE à propos du commerce du hareng.