Après avoir causé stupeur et incompréhension, les autorités de l’Eglise évangélique réformée vaudoise cherchent une issue au conflit théologique ouvert avec les plus dévoués serviteurs de l’institution, les diacres.

En mars, le Conseil synodal et le Synode, gouvernement et parlement de l’Eglise, ont proposé de supprimer la consécration des diacres. A l’avenir, l’acte liturgique serait réservé aux seuls pasteurs. Le rapport, adopté par le Synode le 2 mars 2013, indiquait en outre que les candidats au diaconat devraient se prévaloir d’une première formation «utile».

Les changements envisagés doivent renforcer l’autorité des pasteurs dans un univers de plus en plus imperméable à la parole de l’Evangile, et mieux armer les diacres face aux demandes contradictoires du terrain. Il s’agit de parer à la perte d’influence des Eglises chrétiennes et de se préparer à la réduction des ressources, encore que les Vaudois, contrairement aux Genevois et aux Neuchâtelois, bénéficient du financement étatique.

«Aujourd’hui, estime Line Dépraz, membre du Conseil synodal, nous avons 199 pasteurs et 44 diacres. Mais les départs prévus à la retraite et les tendances de la relève montrent qu’en 2025, sur deux cents postes, seule une centaine sera occupée par des pasteurs.»

Formé dans les facultés de théologie, le pasteur assume la parole et la prédication, soit l’interprétation des textes bibliques: «Il est le spécialiste du lien vertical avec Dieu», synthétise Mario Giacomino, diacre installé à Monthey en Valais. Le diacre, issu d’un premier métier, œuvre dans les domaines liés à la didactique, au catéchisme ou à l’accompagnement. «C’est un généraliste du lien horizontal avec les gens», précise encore le président de l’Association diaconale romande.

Destiné à mettre fin à une certaine confusion entre les deux fonctions, le projet a blessé et provoqué la controverse. Les temples et les blogs ont frémi. Une frange congrue de diacres scandalisés a sommé les autorités de l’Eglise réformée de se raviser. Pour l’heure, un groupe de travail a été créé, une rencontre a eu lieu, d’autres sont prévues. Au royaume de l’absolu, il faudra trouver un compromis, avant la décision définitive en 2014. La mission est complexe.

Le Conseil synodal est prêt à élargir les conditions d’accès au diaconat, satisfaisant ainsi les diacres qui craignent une surreprésentation d’enseignants et d’assistants sociaux dans leurs rangs. Les démarches de l’Eglise réformée vaudoise se conforment au renouvellement du cursus des diacres au niveau romand sous l’égide de l’Office protestant de la formation. Le nouveau plan d’études va démarrer en août.

En revanche, le Conseil semble plus ferme au sujet de leur consécration, d’autant plus que le rejet de sa suppression n’est pas unanime parmi les intéressés. Pour certains, la consécration n’est pas primordiale. Alors qu’une majorité des ministres déchus ne voit pas comment «le rite nouveau» promis, mais qui reste à inventer, pourrait la remplacer.

Magali Borgeaud incarne le dilemme. Diacre avec fonction de pasteure dans la paroisse de Saint-Cergue, elle représente le mélange de genres que le synode voudrait corriger. Elle a le sentiment d’être «une erreur tolérée». «Refuser la consécration aux diacres, c’est les transformer en employés alors que jusque-là ils étaient des ministres», ose-t-elle. Une autre forme de reconnaissance lui paraît illusoire, voire «hypocrite». La consécration – un rituel organisé à la cathédrale de Lausanne, par lequel les diacres sont consacrés à Dieu – symbolise en un seul acte le divin, l’Eglise et l’engagement personnel. Pour Magali Borgeaud, il est impensable d’y renoncer.

A la suite du Synode de mars, une déclaration commune d’une trentaine de diacres a résumé l’état d’âme de ceux qui restent attachés au sens de l’acte sacré: «Nous croyons fortement que la consécration reste ce lieu privilégié où l’Eglise reconnaît une vocation, un appel.» Le document signale encore que sa suppression condamne le ministère diaconal dans sa forme actuelle, qui autorise le diacre à pratiquer la prédication et la célébration des sacrements.

C’est bel et bien cette possibilité que les autorités réformées souhaitent proscrire. Avantageuse en une période de pénurie de pasteurs, elle est aussi source de confusion dans le canton de Vaud, où on a souvent attribué des postes sans trop d’égards pour les spécificités des deux ministères. Cette question était en suspens depuis un certain temps, rappelle Line Dépraz. Le Conseil synodal a donc pris le taureau par les cornes et trois priorités ont été établies: différencier les métiers de pasteur et de diacre; redéfinir l’accès aux postes diaconaux; réfléchir à la façon de porter dans le monde contemporain le témoignage de l’Eglise protestante, désormais «minoritaire». Le Conseil a donc voulu partager les profils en s’inspirant de la distinction d’origine datant de l’apparition du ministère diaconal, à partir des années 1970.

Cohérent du point de vue des autorités de l’Eglise réformée vaudoise, le programme reste bancal pour ses adversaires. Et suscite des perplexités dans l’univers protestant. L’association diaconale a adressé un courrier à la Conférence des Eglises réformées de Suisse romande afin que cette dernière prenne position. Les auteurs de la lettre redoutent la fin du statut commun des diacres mis en place au fil des ans dans les cantons francophones.

«Refuser aux diacres la consécration, c’est les transformer en employés alors qu’ils étaient des ministres»