C'en est fini de la maxime «ce qui n'est pas utile ne nuit pas» au sein de l'administration fédérale. Dans le cadre de la réforme de cette dernière, un groupe de travail propose de diminuer de 90% le nombre de rapports produits dans les bureaux de la Berne fédérale. Parce qu'il y en a trop. Parce que souvent les personnes ou les offices qui les demandent ne les lisent pas. Et les propositions pour restreindre la bureaucratie superflue ne s'arrêtent pas là. Le parlement et même le Conseil fédéral (lire encadré) devront consentir à de petits sacrifices. Exploration des réflexions en cours.
Le message du Conseil fédéral au parlement concernant la loi sur la radio/TV comportait 210 pages, mais 45 rapports complémentaires ont été demandés par les divers acteurs de l'administration, soit un pavé supplémentaire de 335 pages. Les 70 pages de la loi contre le travail au noir n'ont pas été suffisantes non plus. Vingt rapports complémentaires ont été produits sur demande. Si l'on compte que les employés de la Confédération passent parfois plusieurs jours sur un tel document, les heures de travail sont vite démultipliées. Pour quels résultats?
On l'aura compris, il y a du gras dans la masse de papiers qui défilent voire s'empilent chaque année sur les bureaux des parlementaires, des commissions, des offices fédéraux, des départements ou encore du Conseil fédéral.
Objectifs ambitieux
Les desseins de l'administration à son propre égard sont ambitieux, très ambitieux, puisqu'un des projets de la réforme de l'administration, celui qui concerne la simplification des procédures et des documents, propose ni plus ni moins de réduire la pile de 90%. «C'est vrai que c'est beaucoup. Si nous arrivons au moins à 50% ou 60%, ce sera déjà bien», confie Roland Schneider, qui coordonne plusieurs groupes de travail. Car il est des rapports qui demeureront nécessaires et précieux. Ceux demandés par les commissions législatives du parlement, par exemple, ou encore ceux que commande la Commission de gestion, qui joue le rôle de surveillante de l'Etat. «Les innombrables rapports de gestion et d'activité n'ont que peu d'effets dans la pratique», conclut pourtant le groupe à l'origine de la proposition. Mais le holà à la paperasserie ne s'arrêtera pas là.
Les interventions du parlement auprès du Conseil fédéral devront donner moins de travail à l'administration à l'avenir. Les députés pourraient devoir renoncer aux questions et aux interpellations, par exemple. Des demandes d'informations parfois motivées, mais souvent prétextes à faire exister les parlementaires aux yeux de leurs électeurs. Tous ces projets demeurent pourtant de la musique d'avenir. Les Chambres fédérales devront donner leur aval à toutes ces décisions lors de la prochaine réforme de la loi sur le parlement et pas avant. Comme la dernière refonte législative en date remonte à 2003, les députés ont encore de belles années devant eux pour déposer des interventions à tour de bras. Seule mesure qui entrera rapidement en vigueur: celle qui veut que l'administration fournisse au plus vite des réponses communes aux interventions parlementaires de même teneur. Un petit, mais un premier pas.
Des propositions seulement
Le personnel de la Confédération ne sera pas épargné par les projets d'optimisation. Le perfectionnisme confédéral a engendré de nombreuses normes et règles qui augmentent passablement la charge de travail des employés. On estime par exemple que deux ou quatre yeux pourraient suffire à contrôler et à vérifier une tâche et qu'il n'y en a nullement besoin de six ou huit.
«Toutes ces propositions demeurent des recommandations. C'est le Conseil fédéral et le parlement qui décideront ce qu'ils en feront. Et certaines de ces idées seront approfondies dans un des huit autres projets de la réforme de l'administration», précise Roland Schneider. Mais tout porte à croire que la pilule sera dure à avaler pour les politiciens, les offices ou les départements. «Les propositions de simplification susciteront presque toujours des levées de boucliers», admet d'ailleurs le groupe de travail.
Sous la possible égide du bon sens, mais à coup sûr sous la pression et la contrainte, la réforme devra pourtant être achevée à la fin de l'an prochain. Les mécanismes qui requièrent un changement de loi exigeront toutefois une plus longue période de mise en place. Celle-ci doit permettre d'économiser 30 millions de francs en 2007 dans le domaine de l'administration et 40 millions par an dès 2008. Et Roland Schneider insiste encore: «Le but de cette réforme n'est pas du tout de licencier du personnel, mais d'optimiser le travail et d'éliminer les doublons. Les départements pourront disposer du potentiel libéré, par exemple, pour éviter d'engager du nouveau personnel», conclut-il.