Entre l’UDC qui parle d’un « ramassis d’interventions de l’Etat » et les Verts qui critiquent l’absence d’une date précise pour débrancher les centrales nucléaires, les réactions à la publication de la «Stratégie énergétique 2050» montrent que les fronts évoluent peu et que les débats seront âpres. Que restera-t-il du message initial de la conseillère fédérale Doris Leuthard au terme de son traitement parlementaire?

En l’état, le projet prévoit que la consommation d’électricité moyenne par personne et par an diminue de 3% d’ici 2020 et de 13% d’ici 2035 par rapport à l’an 2000. Pour y parvenir, les mesures visant à promouvoir l’assainissement énergétique des bâtiments seront renforcées. Les fournisseurs d’électricité seront tenus d’atteindre des objectifs d’efficacité. Le nucléaire sera également remplacé par un mix misant d’avantage sur l’hydraulique et le renouvelable. Un subventionnement des énergies vertes doit permettre d’augmenter fortement leur apport. Pour le photovoltaïque, le conseil fédéral table sur une production de 1,26 TWh en 2020, de 7,03 TWh en 2035 et de 11,12 TWh en 2050 alors qu’en 2010, elle n’était même pas de 0,1 TWh.

Le Conseil fédéral s’entête «dans ses errements socialistes et dirigistes», lance l’UDC. Dans un communiqué très critique, l’UDC estime que «la stratégie énergétique du Conseil fédéral conduit la Suisse dans une impasse et menace la prospérité du pays». Elle prévient qu’elle la «combattra de tous ses forces».

Les Libéraux-Radicaux ne vont pas aussi loin mais ils réclament une politique énergétique «libérale, réaliste et pragmatique». En outre, le PLR «rejette toute censure technologique», signifiant par là qu’il veut bien qu’on améliore le potentiel des énergies renouvelables, sans pour autant renoncer à l’énergie nucléaire.

Le projet présenté par Doris Leuthard ne fait pourtant que répondre à une réalité largement admise : il n’y a pas, actuellement, de majorité permettant de lancer la construction de nouvelles centrales nucléaires en Suisse. Il est équilibré. Et tout le monde est appelé à faire des efforts pour assurer ce tournant énergétique.

Ce qui n’empêche pas la gauche et les organisations environnementales de déplorer une certaine timidité du Conseil fédéral. Les Verts veulent toujours qu’une durée d’exploitation des centrales nucléaires existantes soit clairement définie dans la loi, ce qui n’est pas le cas du message présenté mercredi. Pour Adèle Thorens, présidente des Verts, il s’agit d’une question de «sécurité de la population et de cohérence avec la nouvelle stratégie». Pour elle, difficile de planifier des investissements dans les énergies renouvelables ou les économies d’énergie si une date n’est pas clairement fixée pour débrancher les centrales nucléaires en Suisse. Et les Verts de déplorer que le Conseil fédéral continue à «sous-estimer le photovoltaïque». C’est également un point sur lequel le PS compte bien intervenir au Parlement. Il militera pour le déplafonnement des subventions aux projets d’énergies renouvelables.

La procédure de consultation qui a précédé la présentation mercredi du message sur la Stratégie énergétique 2050 avait suscité 459 prises de position. Par chance, il n’y a pas autant de parlementaires. Néanmoins, une majorité sera difficile à trouver. Mais pas impossible, selon Yannick Buttet, conseiller national (PDC/VS). «C’est vrai, les fronts évoluent peu, admet-il. Mais le parlement a montré qu’il était capable de s’entendre.» Le Valaisan fait référence à l’initiative parlementaire qui modifie le fonctionnement de la rétribution à prix coûtant (RPC), fruit d’un compromis entre la gauche et la droite. Une hausse de cette taxe perçue sur l’électricité permettra de réduire la liste d’attente des projets d’énergies renouvelables. En contrepartie, les entreprises grandes consommatrices d’électricité pour leur production en seront exemptées. Ce nouveau modèle entrera en vigueur en janvier 2014.

«Certains élus du PLR savent être réalistes, poursuit Yannick Buttet. Et à gauche, on commence aussi à comprendre qu’on ne peut pas tout miser sur le solaire mais qu’on doit également renforcer l’énergie hydraulique, une des forces de la Suisse»