A l’heure de l’analyse, le politologue Oscar Mazzoleni reste prudent. «Les priorités de l’agenda peuvent changer très vite en fonction de l’actualité étrangère, précise-t-il. De plus, le système politique suisse demeure très stable. Les partis écologistes qui émergent – les Verts et les Vert’libéraux – restent en dessous des partis traditionnels, qui font preuve d’une résilience remarquable», ajoute-t-il.
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Si la vague verte était attendue, c’est son ampleur qui a surpris. Encore marqué par les deux grèves du climat des 18 janvier et du 15 mars derniers, le peuple zurichois a sanctionné deux partis dont il estime qu’ils n’ont aucune réponse pour combattre le réchauffement climatique. Lors du débat au Conseil national relatif à la loi sur le CO2, l’UDC a refusé d’entrer en matière. Quant au PLR, il peut certes se prévaloir d’avoir approuvé la loi en votation finale, mais seulement après l’avoir beaucoup édulcoré lors de la discussion de détail.
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L’UDC dit «non à l’hystérie»
C’est un fait: l’écologie n’a jamais été dans l’ADN de l’UDC, qui a toujours fait de son opposition à l’intégration européenne et de la souveraineté en matière d’immigration ses principaux chevaux de bataille. Lors d’une récente émission d’«Arena» à la télévision alémanique sur le thème du climat, le président Albert Rösti a vite été privé d’arguments convaincants, se contentant de dire que les paysans touchant les paiements directs se soumettaient à des conditions de production très sévères sur le plan environnemental. Pour le reste, l’UDC botte en touche pour rejeter toute mesure contraignante: «Le défi climatique est global. La Suisse ne produisant que 1‰ des émissions dans le monde, contre 40 fois plus pour l’Inde, il n’y a aucune raison qu’elle joue les élèves modèles dès lors que des grandes puissances se refusent à de semblables efforts», estime-t-elle.
«Si l’UDC a essuyé cette monstre défaite, c’est que les électeurs commencent à se rendre compte que ce parti n’apporte rien à la Suisse en pratiquant une telle politique d’obstruction», assène le chef du groupe socialiste, Roger Nordmann. Une accusation que rejette Manfred Bühler (UDC/BE). «Non, nous n’avons pas raté le virage climatique», se défend-il. «Mais nous refusons de tomber dans l’hystérie en prétendant, comme le font certains, que les Suisses devront quitter le pays si les glaciers continuent à fondre.»
L’UDC se défend aussi d’être climatosceptique. «Personne ne nie que la planète se réchauffe. En revanche, il est vrai que nous ne sommes pas sûrs que ce soit uniquement l’activité humaine qui en soit la cause», précise Manfred Bühler. Mais en quoi le parti au logo pourtant très vert est-il donc constructif? «Nous faisons confiance à la technologie dans la manière de chauffer nos bâtiments et dans la politique des transports grâce à la voiture à hydrogène par exemple», explique-t-il. Le député bernois reconnaît cependant que son message n’a pas encore passé auprès de la population. «Nous devons mieux communiquer le fait que toutes les taxes et interdictions imaginées par les Verts toucheront les classes moyennes et menacent même la paix sociale en fin de compte.»
La remise en question du PLR
De son côté, le PLR constate avec amertume que le message de sa présidente, Petra Gössi, qui s’est montrée ouverte à des compromis après l’échec de la loi sur le climat au Conseil national, n’est pas passé. «On ne peut pas s’inventer une crédibilité climatique en changeant de cap au dernier moment», ironise Roger Nordmann (PS/VS).
Le PLR aussi panse ses plaies en dédramatisant: «Ce n’est pas l’effondrement du parti», relativise son vice-président, Philippe Nantermod. Mais contrairement à l’UDC, celui-ci ébauche une remise en question. Lui qui a placé ses priorités sur la compétitivité de la Suisse, une politique fiscale attractive et l’assainissement des assurances sociales a pris conscience que le climat est désormais aussi un thème central. «Nous devons faire en sorte que les électeurs favorables à une écologie de droite se retrouvent dans le programme de notre parti», déclare le Valaisan.
Dès lors, le PLR ne ferme plus la porte à un quota de réduction d’émissions de CO2 aussi en Suisse, ni a une taxe sur les billets d’avion. «Mais il faut le faire intelligemment, si possible dans une démarche de coopération internationale», précise Philippe Nantermod, toujours convaincu que son parti fera partie des vainqueurs en octobre prochain.
Si l’UDC et le PLR ont subi de sérieux revers ce week-end à Zurich, le PS n’a pas non plus été à la fête. Mais en ne perdant que 0,4% de son électorat, soit un siège au Grand Conseil, il a limité les dégâts. «Le gros de la progression des Verts ne s’est pas fait au détriment du PS, qui est crédible sur le thème du climat», se console Roger Nordmann. Entre le PS et le PLR, le match pour la deuxième place des partis en Suisse reste très ouvert.