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Corina Gredig, la politique en mode start-up

Les Vert’libéraux pourraient réaliser une percée dans les urnes lors des élections cantonales de ce dimanche. Rencontre avec la coprésidente de ce parti, qui se veut toujours plus jeune et plus urbain

Corina Gredig à Zurich, mars 2019. — © Raphael Zuber
Corina Gredig à Zurich, mars 2019. — © Raphael Zuber

Corina Gredig donne rendez-vous à Kraftwerk, une ancienne centrale électrique transformée en café, restaurant et espace de coworking. L’incubateur d’entrepreneurs Impact Hub y a pris ses quartiers.

Coprésidente du parti vert’libéral, candidate au Grand Conseil zurichois, la jeune femme apprécie surtout le coin canapé, «idéal pour les séances de travail». Tandis que les baristas sculptent des vagues dans la mousse de lait, des individus s’affairent au-dessus du bar dans des containers vitrés transformés en bureaux, empilés les uns sur les autres. Bière locale, café issu du commerce équitable torréfié à Zurich: de quoi ravir les travailleurs nomades rivés à leurs écrans qui peuplent cet endroit et représentent la cible électorale par excellence des Vert’libéraux.

S’extraire du clivage gauche-droite

Né en 2004, le plus zurichois des partis a fait son entrée au parlement cantonal avec dix sièges obtenus d’un coup en 2007. Depuis, cette formation a connu des hauts et des bas: percée au Conseil national en 2011 sous l’effet Fukushima, débâcle en 2015. Au cours des deux dernières années, les Vert’libéraux ont progressé dans plusieurs cantons, mais restent un phénomène très alémanique. Les observateurs s’accordent pour dire que dans leur biotope zurichois, ils feront partie des gagnants ce dimanche, lors des élections cantonales.

Lire aussi: Y aura-t-il un effet Galladé sur les élections zurichoises?

Son dernier «coup» politique lui a valu un regain d’attention fin février. Chantal Galladé, ancienne conseillère nationale socialiste, à gauche depuis trente ans, annonçait quitter le PS pour rejoindre les Vert’libéraux. Corina Gredig était au cœur de cet événement, rare moment enfiévré d’une campagne plutôt calme. «Elle est venue me voir pour m’expliquer sa décision. Le courant est passé immédiatement», raconte la politicienne, souriante. La jeune femme a de quoi se réjouir, car cette nouvelle recrue renforce le cours social-libéral qu’elle et Nicola Forster, fondateur du think tank Foraus, s’efforcent d’infléchir au parti depuis qu’ils en ont pris les rênes en novembre dernier.

Les deux trentenaires incarnent la nouvelle génération vert’libérale: plus jeune, plus urbaine, proche d’Opération Libero. Comme ce mouvement politique, ils tiennent à s’extraire du clivage gauche-droite pour se définir comme une force progressiste. Cette rhétorique atteint ses limites, à chaque fois que les Vert’libéraux s’allient au camp bourgeois, par exemple. L’image branchée et modérée du parti n’est-elle qu’un style destiné à attirer un électorat urbain qui se détourne des pôles? «Les clivages idéologiques traditionnels sont dépassés. Nous ne sommes pas bourgeois, mais avant tout libéraux. Nous sommes orientés vers le futur sur les questions de société comme d’économie», affirme Corina Gredig.

Laboratoire d'idées

Après la débâcle verte de 2015, la Zurichoise, alors secrétaire générale du groupe vert’libéral au parlement, crée le laboratoire d’idées politiques GLP Lab (pour Grünliberale Partei), sa principale activité aujourd’hui. Une manière d’injecter l’esprit d’innovation propre aux start-up à un système politique qu’elle juge «mal adapté» aux modes de vie actuels: «Souvent, les jeunes ne s’engagent pas dans un parti parce qu’ils ne sont pas assez intégrés localement, qu’ils ont des enfants en bas âge, ou alors des projets à l’étranger.»

Le GLP Lab réunit politiciens, entrepreneurs ou scientifiques, invités à réfléchir ensemble à des thématiques comme la mobilité, la transition écologique, la numérisation de l’économie, ou la formation continue. Certaines idées sont reprises par le groupe vert’libéral à Berne ou dans les parlements locaux, comme la proposition de créer des places vertes destinées aux voitures électriques.

Je me sentais égale, jusqu’à ce que je devienne mère à 24 ans. Là, j’ai été confrontée à tous les clichés associés à ce rôle

Après une école de commerce et une maturité professionnelle, la Zurichoise a travaillé à Lausanne pour UBS. Elle songe alors à entrer au PLR, mais juge finalement ce parti «trop peu orienté vers l’avenir». De retour à Zurich, elle entame des études de sciences politiques et remplit son premier questionnaire Smartvote. C’est alors que lui vient la révélation: ce sera les Vert’libéraux. «Ce parti allie durabilité et liberté, deux valeurs centrales à mes yeux. Il ne joue pas la société contre l’économie, mais parvient à trouver une voie médiane.» Un an plus tard, elle mène les campagnes cantonale et fédérale de la formation politique.

Autre thème cher à la footballeuse, qui a joué dans la première équipe entièrement féminine du FC Seefeld à ses débuts: l’égalité. «Je me sentais égale, jusqu’à ce que je devienne mère à 24 ans. Là, j’ai été confrontée à tous les clichés associés à ce rôle.» A la maternité déjà, où «on comprend que l’on devient chef en matière de bébé». Puis lors des sorties seules, lorsqu’on lui demande systématiquement où sont ses enfants. «En Suisse alémanique, ce n’est pas très bien vu de confier son enfant à la crèche plus de deux jours par semaine. Et l’Etat valide en quelque sorte cette vision en limitant les montants des frais de garde déductibles des impôts», remarque Corina Gredig.

Les Verts gagnants, l'UDC perdante?

Le 24 mars prochain, Zurich renouvelle son gouvernement et son parlement. Le scrutin dans le canton alémanique le plus peuplé passe pour un baromètre des tendances, à sept mois des élections fédérales. En 2015, le PLR et l’UDC se renforçaient au détriment des Verts et des Vert’libéraux. Cette fois, les observateurs de la vie politique prédisent le mouvement inverse. Les écologistes sortiraient renforcés, après une campagne surtout marquée par deux thèmes: l’Europe et le climat.

D’après un sondage réalisé par l’institut Sotomo, publié par le Tages-Anzeiger mi-mars, les Vert’libéraux remporteraient 10% des voix – une croissance de 2,4% par rapport à 2015 – et les Verts 9,2%, soit 2,1% de plus qu’il y a quatre ans. Toujours d’après ces prédictions, qui mesuraient les intentions de vote auprès d’un échantillon de la population entre fin février et début mars, les deux principales forces du parlement, l’UDC et le PS, perdraient des plumes: moins 1,8% pour l’UDC, qui continuerait à dominer le parlement avec 28,2%. Et 1,1% de moins pour le PS, seconde force avec 18,5% des voix.

Au niveau du Conseil d’Etat, une menace verte planerait sur l’un des sièges PLR. Martin Neukom, écologiste de 32 ans, talonnerait le candidat PLR Thomas Vogel, d’après le même sondage. Toutefois, selon le scénario le plus probable, les cinq sortants seraient réélus, tandis que l’UDC Natalie Rickli et le PLR Thomas Vogel feraient leur entrée au Conseil d’Etat pour remplacer les deux candidats de leurs partis respectifs qui ne se représentent pas.

L’ancienne conseillère nationale UDC, connue sur la scène nationale pour ses positions dures, s’est efforcée de lisser son image durant cette campagne. Si ce scénario se concrétisait, l’équilibre des forces resterait identique au sein de l’exécutif zurichois: deux sièges PLR, deux UDC, deux PS et un PDC. En revanche, le Conseil d’Etat connaîtrait une majorité de femmes (4/7), pour la seconde fois de son histoire.