Grandissime favorite à la succession de Johann Schneider-Ammann, Karin Keller-Sutter vit une période extraordinairement paisible. Personne ne lui cherche des poux, et même ceux qui ne partagent pas ses convictions politiques admettent que l’on ne saurait se passer d’un tel talent au Conseil fédéral.

Peut-on en dire autant de Viola Amherd, à qui l’on continue de promettre une élection aisée le 5 décembre? Ce n’est pas sûr. D’une part, la multiplication d’indiscrétions à propos de ses activités notariales indique qu’une fronde s’est levée contre elle. D’autre part, la Suisse est en train de découvrir Heidi Z’graggen. Voilà un mois, personne n’aurait misé un vreneli sur la conseillère d’Etat uranaise. Elle est pourtant en train d’effectuer un parcours si étonnant qu’il n’est plus possible d’exclure qu’elle coiffe sa rivale haut-valaisanne au poteau.

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Elle a franchi allègrement la première étape: elle a éliminé le Zougois Peter Hegglin et la Bâloise Elisabeth Schneider-Schneiter de la course. Il lui reste à surmonter les écueils suivants: les auditions devant les autres groupes parlementaires. C’est là que tout se jouera. Sa tâche n’est pas facile car, contrairement à Viola Amherd, elle n’a qu’un faible réseau à Berne. Par ailleurs, rien ne justifie d’élire au gouvernement une personne extérieure au sérail fédéral sauf circonstances particulières, comme celles qui ont conduit au choix de Ruth Metzler en 1999.

Mais sa victoire devient possible. Pour plusieurs raisons. Elle apporte un vent de fraîcheur bienvenu et a davantage de charisme que la très réservée Briguoise. Si elle est certes novice sur les grands enjeux politiques tels que les relations Suisse-UE ou la réforme des retraites, elle n’est pas forcément en décalage avec Viola Amherd, qui a bâti sa notoriété politique sur d’autres thèmes que ceux-là. Des quatorze années passées à l’exécutif du petit canton alpin, elle peut faire valoir un bilan intéressant, dont le développement du site touristique d’Andermatt est sans doute la pièce maîtresse. Elle pourra compter sur la solidarité de la Suisse centrale, qui n’oublie pas qu’Uri est l’un des cinq cantons à n’avoir jamais eu de conseiller fédéral. Enfin, le président du PDC, Gerhard Pfister, cite depuis longtemps son nom parmi les papables pour la succession de Doris Leuthard.

On la dit plus conservatrice que Viola Amherd. Cela lui apporte un potentiel de voix important à droite. Les grands électeurs de l’Assemblée fédérale jugeront son véritable positionnement politique par eux-mêmes. Et ils ne devront pas oublier qu’on attend du PDC qu’il assure au Conseil fédéral une forme d’équilibre entre la gauche et la droite. En tout cas, grâce à Heidi Z’graggen, la campagne en vue de la double élection du 5 décembre prend enfin son envol.