Le jugement paraît anodin: le Tribunal fédéral ordonne à la commune de Steinhausen (ZG) d’ouvrir l’accès à l’ensemble des procès­-verbaux de l’exécutif communal au Parti pirate du canton de Zoug. C’est «une très grande avancée» selon le parti. Appuyant leur demande sur la loi cantonale sur la transparence, les recourants avaient demandé à voir ces documents en novembre 2015. Estimant que leur demande n’était pas assez précise, l’exécutif communal, le gouvernement et le Tribunal administratif du canton les avait successivement désavoués. Le Tribunal fédéral n’a pas vu les choses de la même manière. Son jugement pourrait ouvrir la voie à une petite révolution.

Guillaume Saouli veut y croire. Président du mouvement pirate international et coprésident du parti suisse, le Vaudois est convaincu de la portée historique d’un jugement qui couronne deux ans de travail: «L’Etat exige une transparence incroyable des citoyens, mais les procès-verbaux des exécutifs communaux sont inatteignables. Il s’agit pourtant uniquement de comprendre la conduite des affaires au sein de l’échelon politique le plus proche des gens.» Aux UDC zougois qui craignent la mort du jeu politique, il répond: «Cela a simplement pour but d’éviter les coteries de village et encouragera au contraire l’implication politique des citoyens!»

Multiples législations cantonales

Moins convaincu que le flibustier de Gimel, le Tribunal fédéral répond laconiquement: «Vous voulez savoir si le jugement a une valeur jurisprudentielle? Ce n’est pas le cas.»

Cet avis est partiellement partagé par Beat Rudin, président de Privatim, l’association des commissaires suisses à la protection des données: «S’il existe une loi fédérale qui règle la transparence de l’administration afférente, chaque canton dispose de ses propres règles quant à l’accès aux informations au niveau cantonal et communal. Cela peut donc augmenter la pression politique de manière générale, mais on ne peut pas s’attendre à une jurisprudence directe, les textes n’étant pas les mêmes.»

C’est une évolution significative vers plus de transparence dans l’adjudication des travaux publics

Quelles conséquences dans le domaine du respect de la sphère privée? «Aucune, selon Guillaume Saouli. Trois exceptions existent déjà: le personnel communal, les cas individuels des administrés et le processus d’adjudication public n’apparaissent pas dans les PV. En ce qui concerne le dernier cas, ce jugement augure cependant d’un réel impact. Si les soumissionnaires continueront d’être protégés lors de la mise au concours, le dossier motivant la décision de l’exécutif devra, lui, être rendu public. C’est une évolution significative vers plus de transparence dans l’adjudication des travaux publics.»

Un tel jugement pourrait cependant s’avérer contre-productif, les cantons pouvant désormais être tentés de s’armer légalement contre ce genre de procédures.