Pour l’université de Zurich, 2017 a commencé sous le signe de la transparence. Depuis janvier, les professeurs de l’établissement sont priés de déclarer leurs liens d’intérêt dans un nouveau registre public, accessible en ligne, à l’image des élus parlementaires. Mais ce n’est pas tout: l’établissement a publié la semaine dernière une liste de fonds privés destinés à financer des professeurs.

A l’origine de ces décisions: la polémique, en 2012, suscitée par l’annonce d’un don d’UBS de 100 millions pour financer un nouveau centre de recherche au sein du département des sciences économiques de l’université de Zurich. Dans la foulée, 27 professeurs alémaniques signent l’«appel de Zurich», visant à dénoncer la pratique de sponsoring privé de chaires. L’affaire donnera lieu à une loi votée par le grand conseil cantonal, obligeant l’université à davantage de transparence.

10% de fonds privés

Mais l’établissement des bords de la Limmat n’est pas le seul à emprunter cette voie. «C’est un développement en marche depuis une quinzaine d’années, qui s’est accéléré avec l’entrée en vigueur de la loi sur la transparence des administrations en 2006», souligne Alexandre Flückiger, professeur de droit à l’université de Genève, auteur d’un rapport commandé par Swissuniversities sur le sujet. Une tendance liée aussi à l’augmentation des fonds tiers dans les budgets sous pression des hautes écoles, bien que les entreprises privées occupent encore une place minoritaire dans le financement de la recherche – 10% selon les chiffres 2012 de l’OFS.

«Les nouvelles règles en matière de transparence ne remettent pas en question ces fonds, dont les universités ont de plus en plus besoin, mais permettent aux directions des universités, et désormais de plus en plus souvent au grand public, de vérifier que l’indépendance de la recherche soit respectée», précise Alexandre Flückiger. C’est aussi une manière pour les hautes écoles de se prémunir d’un dégât d’image.

Une transparence à géométrie variable

Les nouvelles règles répondent aussi à une volonté politique. En 2009 déjà, le contrôle fédéral des finances émettait des recommandations auprès de la Conférence des recteurs des universités Suisses, qu’il pressait de «prendre des mesures pour que les universités et écoles polytechniques obtiennent chaque année une déclaration spontanée» des activités accessoires des professeurs. En 2015, c’est la Délégation des finances, qui incite cette fois les universités à agir: «les établissements et en particulier les professeurs reçoivent de gros montants de la Confédération. Le manque de transparence est d’autant plus problématique», écrivait-elle.

Les hautes écoles n’interprètent pas toutes ce message de la même manière, entre celles qui publient spontanément des listes accessibles au grand public, comme l’université de Bâle ou celle de Saint-Gall, et celles qui ne disposent pas de ces informations ou les livrent sur demande. A l’université de Lausanne par exemple, les collaborateurs doivent déclarer leurs liens d’intérêt auprès de la direction, mais l'établissement ne publie pas de registre.

A Genève, les professeurs, s’ils occupent un poste à 100%, doivent déclarer leurs activités accessoires. «Nous tenons une liste des chaires financées par des fonds tiers et la mettons à disposition sur demande», précise Christiane Fux, responsable de la cellule de développement de l’université de Genève. «Les règles sont claires, le financement privé de la recherche ne donne pas un droit de regard sur son contenu, ajoute-t-elle. Et, pour un professeur, le meilleur contrôle est celui des pairs: céder à une influence d’un lobby ou d’une industrie serait terriblement contre-productif».

Un système fondé sur la volonté individuelle

Le nouveau registre zurichois reflète la diversité des occupations des professeurs. Parmi les noms connus figure celui de Daniel Jositsch, conseiller aux Etats socialiste et enseignant en droit, qui cumule 22 casquettes: conseiller auprès de Comparis (comparateur d’assurances en ligne), il siège au conseil consultatif de l’association des banques zurichoises, fait partie de la fondation pour «l’animal en droit», ou encore préside la Société des employés de commerce de Suisse. 

Ces nouvelles directives ne semblent pas susciter de débat dans les couloirs de l’université, observe encore l’élu, qui précise: «Pour moi, il n’y a rien de nouveau, je dois déclarer mes liens d’intérêt depuis le premier jour où je suis entré au parlement». Le système s’appuie sur la volonté individuelle, les professeurs étant incités à déclarer par eux-mêmes leurs liens d’intérêts. Tous n’adoptent pas les nouvelles règles du jeu avec la même assiduité. Certains d’entre eux se sont vus épinglés dans la presse zurichoise pour avoir «omis» de déclarer des honoraires privés.