Un drapeau ukrainien avec une flèche, la signalétique a l’avantage d’être intelligible dans toutes les langues. Attachée à une porte de fer, elle montre le chemin à suivre pour les réfugiés de guerre en terre zurichoise: la Kasernenareal, ancien complexe militaire du centre-ville devenu centre d’accueil pour celles et ceux qui fuient les bombes. L’édifice ouvrait ses portes aux médias ce mardi.

Un certain imbroglio procédural

«Jusqu’à 300 Ukrainiens se présentent actuellement chaque jour dans nos bureaux», entame Mario Fehr, conseiller d’Etat zurichois chargé de la Sécurité. Le canton n’a pas chômé depuis le début de la crise ukrainienne, détaille le politicien, qui souligne que contrairement à l’habitude, les réfugiés disposent d’un permis touristique de 90 jours au sein de l’espace Schengen et viennent directement au centre-ville sans être tout d’abord appréhendés à la frontière.

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Depuis les prémices du conflit, détaille-t-il, «le canton a mis en place une ligne téléphonique (250 appels par jour), une adresse mail (100 courriels par jour), fait un don d’un million de francs au CICR et continue de chercher des lieux où loger ceux qui n’auraient pas de famille ici (600 hébergements ont déjà été fournis).» Une salle de gym pouvant accueillir 200 réfugiés était encore mise à disposition ce mardi.

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Dès le 8 mars, face au flot continu d’infortunés, le canton a également pris les devants pour «préenregistrer 2500 personnes d’ici à ce mercredi», souligne-t-il. «Préenregistrer»? «Le canton s’est mis à intégrer les Ukrainiens dans le système avant que le SEM ne se mette d’accord sur le statut S», répond Mario Fehr. Une initiative que le SEM salue, mais qu’il a demandé au canton de bien vouloir stopper, précise-t-il. Pourquoi?

«La loi entrée en vigueur le 12 mars portant sur le statut S (permis spécial permettant de travailler, recevoir des prestations sociales ou encore accéder à la scolarité) demande que ces procédures soient effectuées par le SEM, répond Anne Césard, sa porte-parole. Or, ils ont commencé ces procédures avant cela. Nous devons de plus encore prendre les empreintes digitales et vérifier l’identité des réfugiés pour procéder aux vérifications sécuritaires d’usage.»

Les pré-confirmations délivrées aux nouveaux arrivants par le canton doivent leur permettre – après confirmation du SEM – d’avancer vers l’obtention d’une carte S, affirmait ce mardi le canton. «Nous devons tout d’abord voir comment utiliser ces données», rétorquait le SEM. La bureaucratie rapide pourrait avoir du plomb dans l’aile. «Il n’est vraiment pas facile de travailler avec eux», confiait ce mardi un officiel du canton sous couvert d’anonymat.

Combien d’Ukrainiens viendront au total?

Loin des tracasseries entre échelons administratifs suisses, une cinquantaine de réfugiés ukrainiens attablés sous les hauts plafonds de la caserne de pierre paraissaient ce mardi surtout ravis d’avoir trouvé du répit. Entre les traducteurs mis à disposition par le canton, des familles profitent d’une collation distribuée par la protection civile, dont une cinquantaine de membres ont été mobilisés à Zurich. Des habits sont également trouvés à ceux qui n’en auraient pas assez.

Les derniers arrivés ne sont toutefois pas forcément dans le dénuement complet, souligne Andrea Lübberstedt, cheffe des services sociaux du canton de Zurich: «Nous avons affaire à des gens qui viennent pour certains dans leur propre voiture, avec leurs animaux de compagnie. Ils n’ont pas tous des besoins immédiats, à part concernant les articles hygiéniques. Mais ils ont beaucoup de questions. Où trouver un médecin par exemple. C’est vraiment tout un pays qui est en fuite, leurs histoires sont terribles.»

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Dans un coin de la pièce, stylos et papier permettent aux enfants de dessiner avant de repartir. Leurs créations s’affichent au mur, éloquentes. Trois petits bonhommes qui marchent en forêt dans la nuit accompagnés d’un grand bonhomme avec un sac, deux bonhommes et un grand qui s’éloignent d’une maison. L’exode. Alors que 3 millions de personnes avaient déjà quitté l’Ukraine ce mardi, impossible de savoir combien viendront en Suisse. Ou plus précisément à Zurich. Municipal chargé des affaires sociales, Raphaël Golta hausse les épaules: «10 000, 20 000, 30 000, qui sait?»