Il y a un an encore, ils étaient nombreux, les Romands, à avouer n'avoir jamais mis les pieds aux Grisons. A ne connaître ni le silence prodigieux de ses imposantes vallées, ni les ouvrages vertigineux de ses chemins de fers rhétiques, ni l'intensité de ses capuns. Il aura fallu qu'une pandémie vienne bouleverser les habitudes pour que cette destination soit soudain accrochée sur toutes les lèvres. 

«Malgré la distance, Pontresina et, de manière plus générale, la Haute-Engadine ont su séduire la clientèle romande en tant que destination «exotique». C'était très frappant cet été», se réjouit Ursin Maissen, directeur de l’office du tourisme local. A l’instar de cette petite station alpine nichée dans l’ombre de la prestigieuse Saint-Moritz, l’été fut très romand aux Grisons (+10% de clientèle romande en moyenne). Et ce, dans tout le canton, même dans des vallées moins connues comme le val Poschiavo ou le val Müstair.

Pourtant, rien ne laissait présager un tel engouement. Car hormis quelques campagnes de promotion de la région engadinoise, aucune action spécifique n'a été organisée en Suisse romande par l'office du tourisme grison. Son site internet reste d'ailleurs exclusivement disponible en allemand et en anglais. Ou comment cultiver l'art de l'exotisme. «Jusqu'à présent, ces deux langues suffisaient à contenter nos marchés cibles, souligne Luzi Bürkli, directeur du tourisme grison. En 2021, nous comptons être présents en Suisse romande pour inciter les vacanciers à séjourner aux Grisons. Nous allons donc bientôt lancer une offre de base en français.»

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Clientèle de proximité

Ainsi, malgré l’ouverture des frontières à la belle saison, les incertitudes liées au virus ont stimulé un tourisme indigène qui a largement profité aux régions de montagne de tout le pays, prises d’assaut par une population urbaine en mal de grands espaces. Cette hausse significative des nuitées helvétiques n’a toutefois pas suffi à compenser les pertes engendrées par l’absence des touristes étrangers. En moyenne, les nuitées ont reculé de 40,9% cet été par rapport à 2019. Seuls les Grisons ont su inverser la tendance, enregistrant une augmentation de 0,9%.

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Ce tour de force s’explique avant tout par une clientèle essentiellement issue des marchés germanophone, belge ou néerlandais, contrairement à de nombreuses autres destinations de montagne, plus orientées sur les segments asiatiques, nord-américains ou encore sur les pays du Golfe. «En situation de concurrence normale, les Grisons étaient un peu une terra incognita. Ce qui était un handicap s’est transformé en avantage avec la pandémie, car la dépendance à la clientèle de pays lointains y est beaucoup moins forte», analyse Véronique Kanel, porte-parole de Suisse Tourisme.

La vallée de Joux prise d'assaut 

A l’autre bout du pays, dans une destination bien plus confidentielle, la vallée de Joux a, elle aussi, bénéficié des effets de la pandémie. De foi de combier, on n’a jamais vu autant de monde dans la région que cet été, au point même qu’il n’était plus possible de manger au restaurant sans réservation. A la mi-août, le site internet de l’office du tourisme avait déjà cumulé plus de visites que durant toute l’année 2019. «C’était un été de tous les superlatifs. On a clairement vu arriver un nouveau type de vacanciers, majoritairement alémaniques, une clientèle plus citadine, avec des exigences et des standards plus élevés», analyse Cédric Paillard, directeur de l’office du tourisme de la vallée de Joux.

Partout dans la vallée, le nombre de camping-cars a «explosé», forçant les autorités à réagir rapidement et à mettre sur pied dès la fin juin six sites de «débordement» ainsi qu'une zone de vidange pour canaliser les campeurs. Moyennant 5 francs par nuit, les hôtes étaient autorisés à rester trois nuits au maximum. Ces places sont venues s’ajouter à l’offre des campings existants, eux aussi submergés. «L’affluence a presque doublé cet été. Sans compter le nombre de personnes qu’il a fallu refuser, environ 20 demandes par jour, c’était énorme», raconte Xavier Mouquin, artisan spécialisé dans la restauration d’horloges et tenancier du Camping à la Ferme, aux Bioux.

Saison hors du commun marquée par un effet covid ou prémices d’une tendance à des voyages plus locaux? Au camping des Bioux, il est permis d'espérer. La moitié de la saison estivale 2021 est d'ores et déjà réservée alors que, par le passé, les premières demandes ne tombaient qu'à l'arrivée des beaux jours.

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