Dans les murs de la caserne de la police cantonale zurichoise, l’unité spéciale «Master» se tient prête. Depuis cinq ans, cette commission constituée d’unités des forces de l’ordre cantonales, des polices municipales de Zurich et de Winterthour ainsi que des membres de la police fédérale concentre toutes les informations susceptibles de déjouer un attentat lié à la radicalisation djihadiste. Ce mardi, elle a démontré sa force de frappe.

Moins de vingt-quatre heures après l’attaque terroriste qui a frappé le cœur de la capitale autrichienne en faisant quatre morts et 22 blessés, son enquête, menée en coordination avec les autorités autrichiennes, a permis à l’unité spéciale des grenadiers «Diamant» de procéder à l’arrestation de deux jeunes hommes à Winterthour. Agés de 18 et 24 ans, ces ressortissants suisses sont soupçonnés d’être liés à l’assaillant autrichien, un «sympathisant» du groupe djihadiste Etat islamique.

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Actuellement, les autorités fédérales et cantonales «travaillent en étroite collaboration avec les autorités autrichiennes pour clarifier la relation entre les personnes concernées et déterminer leurs liens spécifiques avec la Suisse», détaille par voie écrite la porte-parole du Ministère public de la Confédération, Linda von Burg. Dans le radar des autorités fédérales depuis plusieurs années, les deux jeunes Suisses sont sous enquêtes pénales pour des faits liés au terrorisme. Selon le quotidien alémanique Tages-Anzeiger, le nom de l’un des deux inculpés, un ancien employé de La Poste, aurait d’ailleurs surgi lors de l’un des procès des fidèles de la communauté religieuse An’Nur.

La mosquée controversée

Installée dans une zone industrielle à l’est de Winterthour, cette mosquée est connue pour avoir servi de lieu de rencontre de la scène salafiste de la cité zurichoise, malmenée depuis des années par une vague de radicalisation islamiste. Controversée, la mosquée An’Nur est soupçonnée d’avoir joué un rôle dans la radicalisation de plusieurs de ses jeunes fidèles. Une douzaine d’entre eux sont partis en Syrie pour rejoindre des groupes de djihadistes de l’Etat islamique. En 2017, les lumières de cette mosquée se sont définitivement éteintes et l’association islamique qui la chapeautait a été dissoute.

Depuis, les procès liés à ce lieu de culte s’enchaînent. L’un de ses imams qui avait été arrêté pour appel au meurtre visant des musulmans non pratiquants a finalement été condamné à 18 mois de prison avec sursis, avant d’être expulsé vers la Somalie. Plus récemment, l’un des personnages clés de ce lieu de culte, celui qui s’était autoproclamé l’«émir de Winterthour» a été condamné en première instance par le Tribunal pénal fédéral de Bellinzone à 50 mois de prison ferme pour participation à une organisation criminelle et détention de représentations violentes.

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Un axe entre Winterthour et Vienne

Malgré ces procès phares, malgré les efforts de la ville de Winterthour pour renforcer son réseau de prévention de la radicalisation, ces nouvelles arrestations témoignent de la difficulté à enrayer le phénomène. «Les problèmes ne s’évanouissent pas avec la fermeture d’une mosquée. On a su que certains membres de cette communauté s’étaient approchés d’autres mosquées, mais sans succès. Lorsque ces personnes se rencontrent dans un cadre privé, il devient extrêmement difficile de les surveiller», analyse Hansjörg Schmid, le directeur du Centre suisse islam et société de l’Université de Fribourg.

Une chose est sûre, les liens entre la scène salafiste de Winterthour et le milieu radicalisé de Vienne ne sont plus à prouver. Selon la presse alémanique, le fameux «émir de Winterthour» aurait par le passé rejoint à Vienne le prédicateur autrichien Mirsad Omerovic. Récemment, l’imam autrichien aux racines bosniaques a été condamné à 20 ans de prison pour avoir, entre autres, recruté des membres pour le groupe Etat islamique. Alors que ces deux hommes sont désormais derrière les barreaux, reste à comprendre comment le réseau continue à tisser sa toile entre les deux cités germanophones.